est chargé de mission au comité de liaison des services du Medef et délégué général adjoint du Syndicat des services à la personne
Des services adaptés aux besoins du quatrième âge
Les effets du vieillissement de la population sur
l’économie et plus particulièrement sur les services
sont difficiles à évaluer et les marges d’incertitude
sont considérables. En effet, nous n’avons aucune référence
historique parce que c’est la première fois que notre société
est confrontée à cette question. Aucune civilisation n’a
connu dans le passé une évolution aussi importante de la
durée de vie sur une période aussi courte.
Or, la population senior n’est pas homogène.
Il n’y a pas une population senior standard. Celle-ci se décompose
en deux catégories principales : d’une part, les seniors actifs
et autonomes (retraités ou non) et, d’autre part, les seniors
passifs ou dépendants (quasi exclusivement retraités). Le
passage d’une catégorie à l’autre se fait progressivement.
Les attitudes et comportements, les besoins, notamment de consommation,
sont différents selon la catégorie à laquelle on
est censé appartenir.
Les deux profils du senior
Les seniors, en général, toutes catégories
confondues, ont, de manière dominante, un désir de liberté
et sont préoccupés par les questions de sécurité.
Ils sont prudents et économes. Leur revenu est en moyenne supérieur
de 10 % à celui des ménages actifs au sens économique
du mot. Leur patrimoine est supérieur de 40 % à celui des
actifs au sens économique du mot. Leurs habitudes de consommation,
leurs systèmes de référence, de valeur, de pensée,
leurs doutes, leurs certitudes sont définitivement ancrés
dans leurs esprits1.
Le senior est actif et autonome, actuellement en moyenne
pour les hommes jusqu’à 75 ans et pour les femmes jusqu’à
80 ans. Il voyage, bricole, fait de la musique, garde ses petits-enfants,
suit des études, milite dans des associations, entretient sa maison
et son jardin, conseille des entreprises ou des associations, fait du
sport dans un club, reçoit et visite la famille et les amis, etc.
Il a une vie très active et parfois même continue à
mener une activité professionnelle, officielle ou occulte, à
temps partiel voire très partiel, non pas pour des raisons financières
mais parce qu’il « veut rester dans le coup ».
Ce senior a contribué dans les vingt-cinq dernières
années à faire éclore un nouveau marché, et
un marketing spécialisé dont Jean-Paul Treguer, créateur
de Senior Agency, est un des pionniers et un fervent zélateur.
Ainsi, de nouveaux produits sont apparus (assurance dépendance,
complémentaire santé...) ou des produits connus sont vendus
avec des argumentaires adaptés à la population des seniors
: solidité, ancienneté, économie.
La croissance de cette population de seniors autonomes
et solvables a contribué et va continuer à contribuer à
la croissance de secteurs comme les voyages, les salles de sports, l’amélioration
du confort des habitations, le bricolage, les loisirs culturels et la
part prise par cette clientèle dans le chiffre d’affaires
de ces secteurs va croître dans les années qui viennent.
La problématique est différente pour ceux
que nous avons appelé les seniors passifs ou dépendants
et qui sont classés dans une catégorie couramment dénommée
: le quatrième âge ou le grand âge.
La forme physique est moins bonne, la mémoire
devient capricieuse et pour nombre d’entre eux la dépendance
s’installe. Il n’est plus possible de faire son jardin, ses
courses, son ménage, sa toilette, préparer ou prendre ses
repas, voire se déplacer seul, s’occuper de ses animaux domestiques,
effectuer des petits travaux, se coiffer, etc.
Des services ouverts aux entreprises
C’est pour cette population-là et pour répondre
à ses besoins qu’ont commencé à se développer
et vont se développer considérablement des services adaptés2.
Ces activités qui étaient, jusqu’à la loi du
29 janvier 1996, quasi exclusivement exercées par des structures
associatives ou des Centres communaux d’action sociale (CCAS), sont
maintenant ouvertes aux entreprises.
La présence des CCAS et des associations s’explique
historiquement. Elles se situaient dans la sphère de l’entraide
sociale, les personnes âgées dépendantes ne disposant
pas toujours jusqu’à récemment de pensions de retraite
pouvant être considérées comme décentes. En
effet, du fait de la généralisation des régimes de
retraite, notamment complémentaires, du développement du
travail féminin et de la place prise par les pensions de réversion,
le quatrième âge dispose aujourd’hui, pour une part
croissante, de revenus le rendant autonome dans ses choix de vie pour
rester au domicile ou s’installer dans une structure adaptée.
Mais, lorsqu’une personne n’a pas la possibilité
de se payer, avec ses propres ressources, les services nécessaires
pour sa vie quotidienne, n’est-il pas plus respectueux de la liberté
et de la dignité d’autrui de lui donner les moyens de se procurer
les services indispensables plutôt que de lui fournir ou lui imposer
une assistance subventionnée ?
C’est dans ce sens que la réglementation
est en train d’évoluer, en remplaçant la subvention
à l’offre par la solvabilisation de la demande. La mise en
place récente de l’APA (Allocation personnalisée autonomie)
et la réforme du mode de financement des établissements
pour personnes âgées en sont des illustrations. Mais cette
évolution ne se fait pas sans heurt, car elle remet en cause une
certaine conception de l’action sociale. Cette dernière est,
en effet, fortement marquée par un certain paternalisme, issu lui-même
des pratiques « charitables » qui trouvent leurs sources dans
une interprétation étrangère aux valeurs judéo-chrétiennes
sur lesquelles la société française repose pour partie
et pourtant auxquelles l’action sociale se réfère implicitement.
Solvabilisation de la demande
Ainsi, le législateur a créé un
outil destiné à faciliter l’utilisation de ces services
en solvabilisant la demande. Cet outil, le « titre emploi service
», qui sert à payer une prestation de service, fonctionne
sur le même schéma que le titre restaurant. Il ne doit pas
être confondu avec le chèque emploi service qui sert à
payer un salarié à domicile. Cet outil pourrait être
généralisé et utilisé pour solvabiliser la
demande.
Depuis 1996, près de 250 entreprises se sont créées
et interviennent au domicile dans ces domaines, parallèlement à
2000 CCAS et 5000 associations. Ces entreprises, qui ne couvrent pas encore
tout le territoire, et ne peuvent donc répondre à la totalité
de la demande qui est considérable (elle a été évaluée
par le Credoc à plus de 300 000 emplois), se heurtent à
deux types de problèmes : d’une part, une inégalité
de traitement avec les associations et les CCAS et, d’autre part,
des difficultés pour trouver et former le personnel adéquat.
On peut se demander pourquoi les entreprises ne pourraient
pas faire bénéficier directement leurs clients âgés
de plus de 70 ans de la réduction des charges sociales dont bénéficient
les clients des associations, ou encore pourquoi elles ne pourraient pas
exercer des activités dans un cadre mandataire.
Les structures proposant des services au domicile, tant
les entreprises que les associations et les CCAS, ont des difficultés
de recrutement parce qu’il n’existe pas, sur le marché
du travail, le personnel qualifié dont elles ont besoin. Cette
pénurie de main-d’œuvre est la conséquence directe,
d’une part du manque d’attirance du secteur qui a gardé
dans l’opinion publique une image de domesticité et de travail
non professionnel, d’autre part de l’absence d’une filière
complète dans le dispositif de formation initiale.
Il existe aussi un besoin en structures collectives.
Il faudra construire, en nombre important, des établissements pour
personnes du quatrième âge. Enfin, les recherches sur les
appartements intelligents ou les vêtements avec capteurs déboucheront
sur de nouvelles facilités de vie pour les personnes dépendantes,
ce qui ne manquera pas de créer de nouveaux services et de nouvelles
activités.
Bibliographie
- Vive le Papy Boom, Robert Rochefort, éditions Odile Jacob, septembre 2000
- Le cœur à l’ouvrage, Jean-Claude Kaufmann, éditions Nathan, juillet 1997
- Faire ou faire-faire, Jean-Claude Kaufmann, Presses Universitaires de Rennes, 1996
- Seules, Brigitte Croff, Editions Métailié, 1994
- Emplois de proximité / Conseil d’analyse économique, La Documentation française, Décembre 1998
- Le développement des services de proximité, Rapport de J.P Bailly, Conseil économique et social, janvier 1996
- Rapport au conseil exécutif, CNPF (Medef) G.Drouin et CH.Salmon, Avril 1994
- Rapport du contrat d’études prospectives de la branche de l’aide à domicile, ministère des Affaires sociales
- L’emploi des personnes à domicile : étude auprès des utilisateurs et des intervenants, Ircem-Sofres, juillet 2001 et janvier 2002
- L’emploi dans les services aux ménages / Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Office des publications de l’UE à Luxembourg, 2001
- Guide marketing dans les services à la personne, SESP, septembre 1999
- Guide de la qualité dans les services à la personne, SESP, septembre 2000
- Métiers et compétences dans les services à domicile sous la direction de J.N Leselier, SESP, juin 1999
- La loi de janvier 1996 et les développements des services aux particuliers : bilan 2000, Idap pour la DGEFP, juillet 2001
- Voir l’article d’Agnès Rochefort-Turquin et Jean-Yves Ruaux.
- Les démographes
prévoient que 50 % des femmes nées après 2000 seront
centenaires et l’Office européen des statistiques projette
que le nombre d’octogénaires passera en France de 1,5 million
actuellement à 5 millions en 2040.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-11/des-services-adaptes-aux-besoins-du-quatrieme-age.html?item_id=2447
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