est député-maire de Moulins et ancien ministre
est vice-président du Conseil général de l’Allier et conseiller municipal de Moulins
Donner à nos aînés la place qui leur revient
L’élévation constante de la durée
de vie dans nos sociétés constitue un défi majeur
pour les responsables politiques, en termes économiques, sociaux,
urbanistiques et culturels. Les élus locaux, par leurs relations
de proximité avec les personnes âgées, sont sur ce
sujet en première ligne. L’enjeu est essentiel : à
travers la place que nous faisons à nos aînés dans
nos collectivités se joue la cohésion même de l’ensemble
de notre société. Nous voyons pour notre part sept défis
dans cette nouvelle donne.
Le premier défi, le plus urgent, concerne l’effort
de solidarité en faveur de ceux parmi nos aînés qui
sont en situation de dépendance physique ou de handicap.
Depuis sa mise en œuvre en début d’année,
l’Allocation personnalisée autonomie (Apa) connaît une
montée en charge beaucoup plus rapide que prévu. Dans l’Allier,
par exemple, après six mois d’existence, le nombre de bénéficiaires
de l’Apa a presque quintuplé, par rapport au nombre d’anciens
bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance.
Cela va inéluctablement poser un problème financier de taille
à nombre de départements – en charge du financement
de l’Apa – notamment les plus petits d’entre eux, à
forte proportion de population âgée et à ressources
fiscales faibles.
Simplifier le dispositif d’accès
aux aides
On estime que, en raison de la faiblesse de la dotation
d’Etat au titre de la péréquation, plus de la moitié
des départements ne pourront faire face aux dépenses sans
une augmentation considérable de la fiscalité locale. C’est
pourquoi une péréquation plus forte permettrait d’atténuer
les difficultés de ces départements : la politique sociale
ne peut faire abstraction d’une politique d’aménagement
équilibrée du territoire.
Deuxième défi : simplifier le dispositif
d’accès aux aides pour les familles. Lorsqu’une famille
est aujourd’hui confrontée à une situation difficile
de l’un de ses parents âgés, elle doit entreprendre
des démarches d’une grande complexité et se débattre
dans un véritable maquis. Se repérer dans ce domaine est
bien souvent un vrai casse-tête. Les dispositifs sont multiples,
dispensés par de nombreux opérateurs (professions médicales
et para-médicales, services sociaux des conseils généraux
et des communes, acteurs hospitaliers, associations, etc. (voir encadré).
Un effort de coordination entre les opérateurs est donc indispensable.
Certaines collectivités ont agi afin d’associer les différents
intervenants et de simplifier pour l’usager l’accès aux
aides et aux soins, dans le sens d’une forme de « guichet unique ». Les
Centres locaux d’information et de coordination (Clic), expérimentés
par certaines collectivités, tout en évitant des dépenses
inutiles, apportent une simplification et les moyens d’avoir un service
mieux adapté aux besoins.
Troisième défi, toujours lié à
la question de la dépendance : améliorer la formation des
personnels. Aujourd’hui les besoins croissants des personnes âgées
sont solvabilisés par la prestation dépendance puis désormais
par l’Allocation personnalisée autonomie. Encore faut-il qu’un
personnel qualifié suffisamment nombreux soit à même
d’y répondre. Il y a là des « métiers
émergents », voués inévitablement à
se développer, car répondant à des besoins cruciaux
en termes de service. C’est pourquoi il convient de mettre en place
rapidement une filière de formation adaptée, comprenant
plusieurs niveaux de qualification, une authentique filière autorisant
une progression de carrière et qui soit attractive pour les jeunes,
en particulier en zone rurale. Les Régions, à travers leurs
plans de formation, ont incontestablement un rôle-clé à
jouer dans ce domaine.
La problématique du vieillissement ne doit cependant
pas, selon nous, se réduire à la seule question des prestations
et des allocations liées à la dépendance, même
si nous mesurons pleinement les difficultés des familles concernées.
Dans un département comme l’Allier, on estime que ce sont
environ 6% de la population âgée de plus de 60 ans qui seront
pris en charge à terme au titre de l’Apa. C’est à
la fois beaucoup et peu. Ce chiffre prouve en tout cas qu’il ne faut
pas se laisser enfermer dans une approche purement financière,
dans un traitement « social » de la vieillesse. Le véritable
enjeu est, nous semble-t-il, bien plus général et concerne
le regard que nous portons sur le vieillissement et la place que nous
entendons accorder à nos aînés dans nos sociétés.
Faciliter la vie
C’est pourquoi les autres défis, tout aussi
essentiels, concernent notre capacité à considérer
les seniors comme des citoyens à part entière, qu’il
convient de faire participer le plus largement possible à la vie
de la cité.
En 2002, toujours pas facile de s’y retrouver…
Exemple : lorsque le besoin s’en fait sentir, comment choisir
entre les innombrables aides à domicile ? Gré à
gré et chèque-services ? Organisme mandataire ? Ou
prestataire ? Quels avantages fiscaux ? Quelles contraintes pour
le bénéficiaire s’il adopte le statut d’employeur
? Autant de questions angoissantes auxquelles les familles doivent
faire face… S’y ajoute, naturellement, l’inévitable
souci des prises en charge financières, fussent-elles partielles
: que peut-on attendre concrètement des caisses de retraite,
des mutuelles, de l’Allocation personnalisée autonomie
(Apa) ? Quel intérêt y a-t-il à souscrire une
assurance individuelle particulière liée à
la couverture de la dépendance ?
Le choix même de l’opérateur n’est pas franchement
évident, parmi les services d’aide à domicile
départementaux, les opérateurs institutionnels ou
associatifs, ou encore les sociétés privées.
Ajoutons à cela les initiatives facultatives des communes,
structures intercommunales, et caisses de retraite qui interviennent
à plusieurs titres pour faciliter l’accès ou
la mise en œuvre de prestations diverses comme le sont : le
portage de repas à domicile, les petits travaux, la télé-alarme,
les gardes à domicile.
Dans un autre registre, lorsque le médecin traitant ne peut
plus, seul, assurer la prise en charge sanitaire, une multitude
d’interventions sont également possibles : à
côté des classiques prestataires paramédicaux
libéraux agissant ponctuellement à la prescription,
citons les SSIAD ou services de soins infirmiers à domicile
; mis en place par les centres sociaux mutualistes, les centres
communaux d’action sociale, les associations locales ou les
infirmières libérales, sous couvert de conventions
spécifiques ; la prise en charge de leur prestation repose
sur les caisses d’assurance maladie – sur la base d’un
forfait journalier. Citons enfin les services d’hospitalisation
à domicile ou HAD, le plus souvent en lien avec l’établissement
hospitalier du bassin de santé où l’on réside.
Bien sûr, de nombreuses alternatives à l’hébergement
à domicile existent : à côté des établissements,
tels les foyers logements, les établissements d’hébergement
pour personnes âgées dépendantes, les résidences
pour personnes âgées, citons l’hébergement
en familles agréées, les appartements communautaires,
ainsi qu’un nombre croissant de structures intermédiaires
comme les accueils de jour (à distinguer des hôpitaux
de jour gériatriques) ou encore les hébergements temporaires
proposés par les établissements déjà
cités.
Chacun le devine aisément, à chaque mode d’hébergement
correspondent des règles d’accès et de cofinancements
impliquant à des degrés variables les résidents
eux-mêmes (associés, le cas échéant,
à leurs obligés alimentaires) et, là encore,
les conseils généraux (notamment par le biais de l’Apa
et de l’Aide sociale à l’hébergement), les
caisses d’assurance maladie, les caisses d’allocations
familiales...
Il semble difficile de faire plus intriqué !
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Quatrième défi : aménager l’environnement
des personnes âgées pour leur « faciliter la vie »
chez elles, dans leur cadre quotidien. Le maintien à domicile suppose
de réfléchir à une meilleure adaptation des logements,
de l’habitat, de la ville. Les normes de construction et d’urbanisme
doivent mieux intégrer les besoins spécifiques des personnes
âgées, lorsqu’elles deviennent progressivement moins
sûres, moins mobiles. Des politiques d’aides ciblées
doivent viser notamment à l’adaptation des logements, à
faciliter l’extension des systèmes de télé-assistance,
à une meilleure accessibilité des lieux publics, à
des aménagements de trottoirs et de transports collectifs.
Cinquième défi : ouvrir la vie culturelle
et sportive aux seniors, en étant plus à l’écoute
de leurs besoins et de leurs possibilités. Songeons à l’inadaptation
fréquente de l’offre dans ce domaine à un public âgé
! Les personnes âgées préfèrent les spectacles
en matinée. Elles souhaitent des disponibilités horaires
en piscines. Elles veulent des commerces proches de chez elles pour faire
leurs courses. Il faut en tenir compte pour permettre l’accès
de nos seniors à la culture, aux sports, bref, à tout ce
qui fait la vie de la cité.
Changer de regard
Sixième défi : s’adresser aux personnes
âgées comme à des citoyens à part entière.
Trop souvent le message, en particulier politique, qui leur est adressé,
est restreint aux seuls problèmes qui les intéressent spécifiquement.
On ne mesure pas qu’elles sont concernées, pour la plupart
d’entre elles, au même titre que les plus jeunes et les actifs,
par les grands enjeux économiques et sociaux, ne serait-ce que
parce que, en tant que grands-parents, elles se préoccupent de
l’avenir de leurs petits-enfants ou de leurs arrière-petits-enfants.
Septième défi - qui conditionne tous les
autres : changer notre regard sur nos aînés. Trop souvent,
la vieillesse est considérée comme une charge. Voyons-la
plutôt comme une opportunité pour notre société.
Opportunité parce que dans l’esprit de solidarité qui
doit rapprocher les générations, la personne âgée,
le retraité, peut participer activement et utilement à la
vie sociale. Loin d’être seulement synonyme de handicap ou
de dépendance physique, la vieillesse peut être un temps
de disponibilité pour les autres et de transfert de connaissances,
d’expérience.
Mobiliser les disponibilités
C’est à nous — au tout premier plan les collectivités locales, en lien avec le secteur associatif — de savoir mobiliser les
gisements de disponibilité et d’altruisme dont sont capables
les seniors. Songeons à ce que nos aînés peuvent apporter
aux plus jeunes ou aux plus démunis : tutorat, soutien scolaire,
aide aux chômeurs, actions humanitaires, etc. En retour, de nombreuses
expériences en témoignent, les seniors découvrent
leur utilité sociale, tissent des liens et se sentent mieux intégrés
dans la vie de la collectivité. Encore nous faut-il leur proposer
des interventions adaptées à leurs capacités et à
leurs motivations.
La vieillesse interpelle notre société.
Seule une large mobilisation de l’ensemble des forces vives d’une
cité ou d’un territoire peut être à la mesure
de l’enjeu du vieillissement de nos populations. Mobilisation des
élus, mobilisation des familles, mobilisation de toute la société.
C’est à ce prix que nous pourrons faire en sorte que l’histoire
personnelle et l’identité de chacun soient dignement respectées.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-11/donner-a-nos-aines-la-place-qui-leur-revient.html?item_id=2443
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