est présidente du Conseil d’orientation des retraites
est chargé de mission au secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites
Retraites : un choix collectif de société
Le système de retraite par répartition,
fondé après la Seconde Guerre mondiale, a permis d’assurer
des revenus satisfaisants aux Français pour une période
de vie de plus en plus longue. L’espérance de vie à
60 ans est de 20 ans pour les hommes et de 25 ans pour les femmes. Elle
augmente d’environ un trimestre tous les deux ans. Les progrès
de la médecine ont par ailleurs amélioré l’état
de santé à tout âge ainsi que les conditions de vie
de la majorité des « jeunes » retraités.
L’allongement de la vie, ainsi que l’abaissement
de l’âge de cessation d’activité, ont déjà
conduit, pour équilibrer les régimes, à des réformes
: en 1993 pour le régime général, en 1996 et en 2001
pour les régimes complémentaires (voir encadré).
Le système français de retraite par répartition
Le système français d’assurance-vieillesse est
différent pour les travailleurs du secteur privé et
ceux du secteur public (fonctionnaires et entreprises publiques).
Pour les salariés du secteur privé, il existe deux
étages : le régime de base (CNAVTS) et les régimes
complémentaires obligatoires (Arcco pour tous les salariés
et Agirc pour les cadres). Le taux de cotisation est globalement
de 10% pour le salarié et de 15,5% pour l’employeur.
Depuis la réforme de 1993, pour bénéficier
d’une retraite à taux plein dans le régime de
base, il faut être âgé de 60 ans et avoir cotisé
pendant 40 ans. Une année de cotisation manquante se traduit
par un abattement de 10%. Cette décote est supprimée
pour ceux qui liquident leur retraite à 65 ans.
Les régimes complémentaires, gérés par
les partenaires sociaux, reposent sur un système de points
en fonction de l’ensemble des salaires perçus au cours
de la carrière. Ils ont été également
réformés en 1996.
Ces deux étages du régime du secteur privé
assurent ainsi un taux de remplacement brut (première retraite/dernier
salaire) de 71% en moyenne pour les non-cadres et de 63% pour les
cadres. Les pensions du secteur privé sont maintenant indexées
sur les prix et les réformes conduisent à un niveau
de retraite moins élevé.
Les non-salariés (artisans, commerçants, professions
libérales) ont des régimes spécifiques. Les
taux de cotisation varient entre 20 et 25% suivant les professions.
L’âge de la retraite est en général de
65 ans. Le taux de remplacement varie également entre 50
et 60%.
Les fonctionnaires titulaires (de l’Etat, des collectivités
locales, de la fonction publique hospitalière) peuvent partir
en retraite à l’âge de 60 ans. Leur retraite est
de 75% s’ils ont cotisé pendant 37,5 ans, ce qui rend
leur taux de remplacement comparable, voire légèrement
inférieur à celui des salariés du secteur privé.
Les retraites sont indexées sur le point de la fonction publique,
qui a évolué ces dernières années à
un rythme voisin des prix. Le taux de cotisation est pour la partie
salarié de 7,85% et de 25,6% pour la partie employeur (collectivités
locales et hôpitaux, l’Etat sert directement les pensions
des fonctionnaires et donc ne cotise pas à une caisse de
retraite).
Les entreprises publiques ont aussi des régimes spéciaux
qui donnent accès à la retraite à 60 ans (ou
à 55 ans dans certaines entreprises).
|
Les autres pays européens ont aussi procédé à
des réformes importantes au cours des dernières années.
Le vieillissement de la population, qui va s’intensifier du fait
de l’arrivée à l’âge de la retraite des
générations nombreuses, ne conduit pas à une impasse
pour des systèmes de retraite mais il concerne directement son
avenir.
Le Conseil d’orientation des retraites, dans son
premier rapport (voir tableau besoin de financement ci-dessous), a examiné cette nouvelle
situation et les manières dont elle peut être prise en compte.
Le taux de dépendance démographique
va doubler d’ici à 2040
Dans notre système de retraite par répartition,
où les cotisations des actifs financent les retraites versées
aujourd’hui, le ratio de dépendance démographique1
est un facteur déterminant pour l’équilibre financier
des retraites. Ce rapport est de 0,38 en 2000, il sera de 0,54 en 2020
et de 0,73 en 2040. Il y aura ainsi, à cette date, près
de deux fois plus de personnes en âge d’être à
la retraite par personne en âge de travailler qu’aujourd’hui.
Cette évolution tient à deux phénomènes
: l’allongement de la vie et le «
papy boom ». L’allongement
de la vie devrait se poursuivre au même rythme que durant les dernières
décennies : autour d’une année et demie tous les dix
ans. Son effet est plus incertain que l’autre phénomène
démographique auquel nous serons confrontés à partir
de 2005 : l’arrivée à l’âge de la retraite
des générations du baby boom. Les générations
nées après 1945 sont de 800 000 personnes, soit 200 000
de plus que celles nées avant cette date. Elles atteindront 60
ans en 2005 et contribueront ensuite à l’évolution
du ratio démographique pendant une trentaine d’années.
Ce changement démographique conduit à ce
que la richesse produite par les actifs devra être partagée
par une population plus nombreuse, que ce soit dans un système
de retraite par répartition ou dans un système par capitalisation.
La situation démographique modifiera
les conditions d’équilibre des régimes de retraite
Le Conseil d’orientation des retraites a réalisé
des projections économiques à l’horizon 2020 puis 20402.
Des travaux analogues avaient déjà été réalisés
auparavant : livre blanc sur les retraites en 1990, rapports du Commissariat
général au plan en 1999 (rapport Charpin) et du Conseil
économique et social (rapport Teulade). Ces rapports avaient mis
en évidence d’importants problèmes de financement des
retraites. L’ampleur des besoins de financement dépend notamment
des hypothèses économiques sur la croissance et l’emploi.
Ces évolutions sont difficiles à prévoir, à
court terme comme à long terme. Les projections sont donc fondées
sur un scénario économique de référence qui
est accompagné de plusieurs hypothèses et de différentes
variantes. Le scénario de référence proposé
par l’OFCE et la direction de la prévision comporte un retour
au plein emploi en 2010 avec un taux de chômage de 4,5% puis une
croissance de la production par actif de 2% par an.
Les différentes variantes envisagées autour
de cette hypothèse ont naturellement une incidence sur les projections
mais elles ne remettent pas en cause l’ordre de grandeur des besoins
de financement des régimes de retraite.
Un besoin de financement considérable
En l’absence de réforme, c’est-à-dire
avec la réglementation actuelle, le besoin de financement global
du système de retraite serait de l’ordre de 35 milliards d’euros
en 2020 et de 100 milliards d’euros en 2040. La part des dépenses
de retraite dans le PIB passerait ainsi de 11,6% en 2000 à 13,7%
en 2020 puis à 15,8% en 2040.
Les projections, dans l’état actuel de la
réglementation, sont les suivantes :
|
Besoins de financement En Md€
|
|
|
2000
|
2020
|
2040
|
Régime général des salariés du privé
|
1,5
|
- 10,9
|
- 39,7
|
Régime complémentaire des non-cadres du privé
|
3,9
|
0,0
|
- 13,2
|
Régime complémentaire des cadres du privé
|
0,3
|
- 1,6
|
- 3,8
|
Fonction publique d’Etat (*)
|
0,0
|
- 20,2
|
- 36,8
|
CNRACL (fonction publique territoriale et hospitalière)
|
2,7
|
- 7,5
|
- 20,5
|
|
|
(*) Pour la fonction publique d’Etat,
c’est par convention que le solde est nul en 2000.
|
|
Il convient de noter que le maintien de la réglementation
n’implique pas le maintien du ratio retraite moyenne/ salaire moyen.
Si cette réglementation était maintenue jusqu’en 2040,
ce ratio passerait de 0,78 à 0,64. Cette baisse serait imputable
à l’indexation des pensions sur les prix dans la plupart des
régimes, et aux réformes du régime général
de 1993.
Les trois paramètres de l’équilibre
Pour assurer le rééquilibrage financier
et donc la pérennité des régimes de retraite par
répartition, il est possible de jouer sur trois paramètres
:
- le taux de cotisation (employeur et salarié) ;
- le montant des retraites qui dépend du niveau de la pension au moment du départ
à la retraite mais aussi des règles d’indexation
des pensions ;
- du départ (en fonction de l’âge et de la durée
de cotisation).
Le graphique suivant montre qu’il est possible d’agir
sur ces trois paramètres pour assurer l’équilibre des
retraites en 2040 et que des choix très différents peuvent
être faits dans leur combinaison.
Pour illustrer la variété des choix possibles,
on peut donner quelques exemples repérés par des lettres
sur le graphique. En prolongeant la réglementation actuelle jusqu’en
2040, le ratio entre la pension moyenne nette et le revenu moyen net d’activité
passerait de 78% en 2000 à 64% en 2040. Il faudrait alors, pour
assurer l’équilibre des régimes, en jouant sur une
seule des variables possibles, augmenter le taux de prélèvement
sur les actifs d’un montant équivalant à 9 points de
cotisation (point A), ou décaler l’âge de départ
à la retraite de 6 ans (point D), d’ici 2040. Si on
souhaitait conserver le ratio entre la pension moyenne nette et le salaire
moyen net à son niveau actuel (78%), il faudrait, pour assurer
l’équilibre des régimes d’ici à 2040, augmenter
le taux de prélèvement sur les actifs d’un montant
équivalent à 15 points de cotisations (point B),
ou décaler l’âge de départ à la retraite
de 9 ans (point E). Si on ne relève ni le taux de cotisation
ni l’âge de la retraite, la pension moyenne ne sera plus que
42% du salaire moyen.
Source : COR, daprès un graphique de
François Lagarde. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Toute combinaison de ces mesures est bien sûr envisageable.
Le choix de cette combinaison et son calendrier de mise en œuvre
constituent l’essentiel de la réforme des retraites.
Si les deux premiers paramètres relèvent
des décisions gouvernementales (régimes de base) ou des
accords entre partenaires sociaux (régimes complémentaires),
l’âge de départ à la retraite doit s’envisager
dans le contexte actuel du marché du travail qui, progressivement,
a exclu depuis plus de vingt ans les travailleurs âgés. Actuellement,
moins d’une personne sur deux de 57 ans est encore en emploi. Dans
ces conditions, repousser l’âge de la retraite ou augmenter
la durée de cotisation nécessaire pour la retraite à
taux plein n’aurait qu’un faible effet sur l’équilibre
des retraites.
Garantir un taux de remplacement et relever
les taux d’activité des quinquagénaires
Le Conseil d’orientation des retraites a rassemblé
un consensus autour de l’idée que toute réforme devra
comporter deux préalables :
Il faut fixer un objectif de taux de remplacement3.
Les Français doivent être rassurés sur l’avenir
de leur retraite. Le choix du niveau des retraites est un choix
collectif de société qui doit assurer la solidarité
entre les générations. Il faut débattre des
efforts supplémentaires qui seront demandés aux générations
moins nombreuses et donner à tous une visibilité sur
l’avenir.
Si les deux premiers paramètres (durée
et taux de cotisations) étaient inchangés, le rapport
entre la pension moyenne et le revenu d’activité moyen,
actuellement de 0,78, serait réduit de moitié puisqu’il
y aura deux fois plus de retraités par actif cotisant.
Le choix du mode d’indexation est aussi fondamental
: si les pensions sont indexées sur les prix, le niveau de
vie des retraités est maintenu mais sa valeur relative par
rapport aux salaires diminue.
L’augmentation du taux d’activité
des plus de 50 ans doit être une priorité nationale.
Le recul de l’âge du droit à la retraite sans
évolution de l’âge de cessation réelle
de l’activité n’aurait pas d’effet sur les
finances publiques. Le taux d’emploi des 55 à 59 ans
est de 55% en France et se situe à un des plus bas niveaux
de l’Union européenne. La gestion des sureffectifs par
la mise à la pré-retraite systématique des
plus de 55 ans, voire des plus de 50 ans n’est plus possible.
Il s’agit d’un problème de financement des retraites
mais aussi d’équilibre du corps social, d’autant
plus que ces générations vont être plus nombreuses.
Le Conseil préconise une grande politique nationale visant
à encourager le maintien en activité des quinquagénaires.
Les dispositifs de préretraites ou assimilés doivent
être restreints. Les entreprises doivent s’adapter au
vieillissement de la population en offrant des possibilités
de formation et des conditions de travail adaptées à
tous les âges, voire de deuxième carrière. L’action
volontariste menée par la Finlande sur le thème « L’expérience est une richesse nationale », qui a permis de remonter significativement l’activité
des quinquagénaires, montre qu’il est possible de mener
une telle politique.
Le Conseil d’orientation des retraites
Créé en mai 2000, le Conseil d’orientation
des retraites est une structure permanente d’étude
et de concer-tation, associant des parlementaires, des partenaires
sociaux, du secteur public comme du secteur privé,
des représentants de l’Etat, des experts et des
représentants des associations familiales, des retraités
et des personnes âgées. Il a pour mission essentielle
de suivre régulièrement les évolutions
de notre système d’assurance vieillesse et de
faire des diagnostics et des propositions de réforme
ou des recommandations. Il a publié un premier rapport
en décembre 2001 et poursuit ses travaux.
|
Comme on le voit, si le choix des paramètres
est l’un des éléments d’une réforme
des retraites, on ne saurait réduire la réforme à
ce choix.
Le rapport du Conseil d’orientation des retraites
a permis de présenter les enjeux financiers des prochaines
décennies, d’illustrer les choix des paramètres
possibles qui relèvent des négociations et des décisions
des partenaires sociaux et des pouvoirs publics. Il a proposé
des orientations importantes qui lui paraissent un préalable
à ces choix : la fixation d’un objectif sur le taux
de remplacement, une politique ambitieuse pour l’emploi des
salariés âgés et un contrat clair sur les principes
du système de retraite. Parmi ces principes figurent notamment
le développement d’une plus grande égalité
d’effort entre les cotisants et des marges de choix pour les
assurés.
- Rapport entre la population de plus de 60 ans et celle âgée
de 20 à 60 ans.
- Retraites : renouveler le contrat
social entre les générations. Conseil d’orientation des
retraites. Premier rapport 2001. En vente à La Documentation française
et accessible sur le site Internet www.ladocfrancaise.gouv.fr
- Le taux de remplacement situe le
niveau des retraites par rapport au niveau des revenus d’activité.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-11/retraites-un-choix-collectif-de-societe.html?item_id=2441
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