est urbaniste-architecte, expert en APE (accessibilité et perception de l’espace), directeur du Cridev (Centre de recherche pour l’intégration des différences dans les espaces de vie) et président du Capt (Concevoir avec & pour tous), association nationale des experts en APE
Aménagement de l'espace : quelques règles à suivre
La ville doit s’adapter afin que tout être
humain, quels que soient son âge ou son handicap, puisse y utiliser
l’espace sans difficulté ni inconfort. D’où une
série de recommandations à prendre en compte dès
la conception d’un équipement ou d’un ouvrage.
Les personnes en situation de handicap sont, en réalité, des révélateurs d’un problème urbain plus vaste
: celui de l’inconfort et de l’insécurité de nos
espaces construits. Là où les personnes en situation de
handicap et les personnes âgées trouvent « naturellement
» leur place, une personne « ordinaire » doit évoluer
avec convenience (c’est-à-dire utiliser l’espace sans
inconvénients), aisance et sécurité. Et inversement.
C’est dire qu’il est essentiel que les solutions apportées
à un besoin spécifique d’une catégorie d’usagers
ne créent pas de gêne pour d’autres catégories.
Cette approche de « l’accessibilité et de la perception
de l’espace » (APE) nécessite un changement radical
des méthodes de conception.
En effet, la qualité en matière d’accessibilité
et de perception de l’espace ne se satisfait pas d’une démarche
approximative. Elle demande de la vigilance et de la précision.
L’espace construit ne doit plus être un parcours d’obstacles,
mais une invitation à l’échange et à la détente.
De la vigilance, car la moindre discontinuité
dans les procédures ou les réalisations peut rendre tout
un espace inaccessible ou imperceptible.
De la précision, car le moindre centimètre,
ou le moindre pourcentage de pente en trop ou en moins peut mettre en
situation de difficulté ou exclure une personne vulnérable.
Pour prendre en compte les besoins des personnes âgées
et des usagers en difficulté, voici quelques règles à
suivre.
En matière de confort physique
Assurer des passages suffisamment larges pour autoriser
l’usage d’engins de nettoyage, donner de l’aisance motrice
à la personne en fauteuil roulant et permettre aux piétons
de se déplacer à plusieurs, confortablement, même
encombrés de paquets…
Limiter les pentes sur le cheminement (5% maximum) afin
de ne pas arrêter une personne en fauteuil roulant manuel et de
réduire la fatigue de la personne âgée ou de l’assisté
respiratoire...
Diminuer les dévers latéraux (inférieurs
à 2%) qui, d’une part, sont à peine supportables pour
une personne hémiplégique en fauteuil roulant et, d’autre
part, évitent aux personnes aveugles ou simplement distraites de
dévier de leur trajectoire.
Limiter les ressauts (maximum de 2 cm) pour qu’ils
ne bloquent pas la roue du fauteuil roulant, et qu’ils évitent
aussi au malvoyant ou à la personne à l’équilibre
précaire de trébucher. Cela diminue les risques d’accidents
pour l’ensemble des piétons.
Réduire la largeur des fentes au sol (à
moins de 2 cm) afin qu’elles ne croisent ni la roue du fauteuil,
ni la canne de l’aveugle ou de la personne âgée. Cela
évitera également aux usagers de se tordre les pieds en
marchant.
Assurer un état des sols de bonne qualité
(lisse, dur, antidérapant et non meuble), pour permettre le passage
de la personne en fauteuil et éviter de nombreuses chutes aux personnes
âgées et aux personnes à l’équilibre précaire.
Libérer les espaces de tout obstacle ou mobilier
urbain gênant, afin de permettre de circuler en toute sécurité
et avec aisance.
Choisir une hauteur judicieuse des différentes
commandes ou boutons d’appel pour une utilisation à la fois
par la personne tétraplégique assise en fauteuil roulant
et par la personne souffrant de ne pouvoir se baisser.
Adapter la forme des éléments préhensibles
pour en faciliter l’usage par tous et offrir à la personne
malhabile ou manquant de force la capacité d’effectuer les
gestes minimaux sans effort et sans risque.
Permettre le repos des utilisateurs en aménageant
des zones où il est possible de s’asseoir ou de prendre appui
(main courante) ou de se reposer en position assis-debout en dehors de
la densité des flux de déplacements (y compris piétons).
Cela est indispensable pour la sécurité de certaines personnes
à l’équilibre précaire ou assistées sur
le plan respiratoire, mais dans tous les cas, c’est un élément
de confort pour tous.
En matière de confort sensoriel
Renforcer les perceptions des espaces construits par
un éveil des sens.
Assurer la bonne audition des messages en fonction des
ambiances sonores du moment.
Etre vigilant pour ce qui concerne les nuisances acoustiques,
visuelles, tactiles, olfactives.
Réduire les sources des mauvaises odeurs en mettant
en place des repères olfactifs pour l’aide aux personnes aveugles
ou sourdes et, bien sûr, pour le plaisir de tous.
Doubler le plus souvent possible les informations visuelles
par des messages sonores, afin que les malvoyants et les malentendants
trouvent un mode de communication qui leur convienne. Une attention sera
portée aux intensités et fréquences.
Simplifier la lisibilité en réduisant les
messages et en utilisant des pictogrammes qui permettront d’aider
la personne déficiente intellectuelle, illettrée, ou tout
simplement étrangère.
Renforcer la visibilité à tous les niveaux
par une position et une taille adaptées de chaque équipement
ou information. Une étude particulière des couleurs, des
contrastes et de la luminosité permettront aux plus mal voyants
un minimum de perception. Il y aura lieu d’être vigilant quant
aux effets néfastes d’éblouissements et de reflets
parasites. Cette qualité d’usage sera particulièrement
intéressante pour les malvoyants et malentendants.
Mettre en place des repères acoustiques pour faciliter
le guidage, le repérage et la vigilance des personnes déficientes
visuelles ou intellectuelles, des enfants, des personnes âgées
et des distraits.
Introduire des éléments podotactiles dans
les revêtements de sol pour guider la personne aveugle et les «
distraits » dans leur cheminement et renforcer leur vigilance dans
les zones sensibles.
Soigner la qualité tactile en choisissant des
matériaux appropriés (texture, dureté, température,
forme, taille…) pour permettre un meilleur repérage par les
mal voyants et une sensation plus agréable pour tous.
En matière de confort psychique
Renforcer le repérage, l’identité
des espaces urbains, ce qui facilite le repérage des lieux pour
les personnes qui perdent la mémoire ou qui sont intellectuellement
déficientes.
Assurer la continuité de la signalisation aide
aussi bien l’étranger au quartier que la personne en situation
de handicap.
Simplifier et diversifier la communication par l’usage
de symboles et en doublant les modes de lecture (visuelle, sonore, tactile…)
permettent à chacun, quelle que soit sa différence, de percevoir
l’information.
Informer l’usager de toute modification, afin de
l’accompagner dans les changements d’habitudes et les dispositions
particulières à prendre.
Eviter les « espaces morts » sur les cheminements
principaux (recoins cachés des regards, zones d’ombre, lieux
déserts…) réduit l’anxiété de l’usager,
limite les fantasmes de la personne fragile intellectuellement et donne
à tous une sensation de sécurité.
En matière de prévention
Supprimer les formes dangereuses susceptibles de blesser
un usager (en particulier à la tête et au niveau des genoux).
Renforcer la détection des éléments
– constructions ou équipements – situés sur ou
en bordure d’un cheminement sur les plans visuel, tactile et/ou acoustique.
Réduire la fatigue en choisissant les parcours
accessibles les plus directs possible et en limitant les dénivelés
et les pentes. En cas de fort dénivelé, installer des élévateurs.
Donner la priorité aux élévateurs
et ouvertures automatiques en utilisant les systèmes de commande
ou d’ouverture le plus sensibles possible. De préférence
et en fonction de la fréquentation on aura recours à l’automatisme.
Aider au maintien de l’équilibre en assurant
des sols stables, lisses, consistants et antidérapants (même
par temps de pluie). Si nécessaire, les passages délicats
seront équipés d’éléments d’appui.
Assurer la pérennité des aménagements
par un choix de qualité dans les matériaux et la mise en
œuvre.
Enfin, que vous soyez maître d’ouvrage, maître
d’œuvre ou entrepreneur, informez-vous et formez-vous pour maîtriser
la démarche de l’accessibilité globale et :
- susciter la prise en compte de l’APE dès
l’origine d’un projet ;
- favoriser la coordination et la communication entre
les différents intervenants ;
- assurer le bon usage des espaces construits et
des équipements ;
- mettre en place une culture de constructeur axée
sur la qualité d’usage pour tous ;
- permettre l’expression des usagers avant,
pendant et après les opérations d’aménagement,
afin de renforcer la prise en compte de leurs besoins.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-11/amenagement-de-l-espace-quelques-regles-a-suivre.html?item_id=2446
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