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Adapter le logement social au vieillissement : 15 propositions

Le Conseil social de l’Union sociale pour l’habitat a publié, en septembre 2024, un avis titré « La population vieillit, les HLM s’adaptent ». Prenant acte des évolutions démographiques affectant le parc social, cet avis avance quinze recommandations construites autour de cinq nécessités : états des lieux précis, prévention de la dépendance, actions partenariales, respect des compétences de chacun, diversification de l’offre de logements.

La France vieillit et devrait compter 21 millions de personnes de plus de 65 ans en 2030. Le monde HLM n’échappe pas à cette transition démographique. Les organismes s›adaptent compte tenu de leur rôle en matière de cohésion sociale et du vieillissement des locataires.

Les auditions réalisées pour élaborer cet avis ont permis de mettre en lumière certains freins et limites aux actions menées : manque d’harmonisation des financements, soutiens incertains dans la durée, démarches en silo alors que le sujet de l’accompagnement nécessite plusieurs compétences à combiner. En outre, il existe une diversité de situations territoriales à prendre en compte.

Face à la fragilisation financière du secteur HLM, il apparaît important d’examiner collégialement le modèle économique attendu pour répondre aux besoins croissants en matière de services et de transformation du parc. Cette évolution structurelle ne peut faire peser la solidarité sur quelques acteurs seulement.

Si les organismes ne peuvent pas, seuls, prendre en charge tous les enjeux du vieillissement, la structure même du parc social et l’évolution de la part des plus de 60 ans les obligent à accompagner la transition démographique dans le champ de leurs compétences. Des différentes auditions menées pour cet avis il ressort nettement que ces démarches ne peuvent s’envisager qu’en coopération avec les autres professionnels et acteurs locaux, privés et publics. Un point de vigilance existe sur le risque de faire porter aux bailleurs sociaux des missions qui relèvent de la solidarité nationale.

Le vieillissement côté parc social

Les locataires du parc social vieillissent. Les locataires vieillissants sont, en grande partie, isolés et disposent de revenus plus faibles.

30,4 % des locataires HLM ont 60 ans et plus. Parmi eux, 11,2 % ont plus de 75 ans. Entre 2023 et 2033, le nombre de locataires HLM de plus de 60 ans devrait augmenter de 25 % (soit 600 000 personnes de plus) et de 40 % entre 2023 et 2040.

67 % des locataires HLM de plus de 65 ans vivent seuls, alors que cette proportion est de 49 % chez les autres locataires. 24 % des ménages locataires HLM de plus de 65 ans vivent sous le seuil de pauvreté, tandis que cette proportion est de 9 % pour l’ensemble de la population.

Propositions

Dans ce domaine, la notion de prévention prend tout son sens et impose un important travail de proximité pour les bailleurs comme pour leurs partenaires. Les recommandations présentées ici s’articulent en cinq parties, sachant que, de manière générale, les membres du Conseil social, dans leur grande majorité, appellent de leurs vœux l’adoption d’une loi grand âge qui définisse une politique globale en matière de vieillissement, allant de la coordination des acteurs à la politique d’accompagnement, le sujet obligeant l’engagement d’actions transversales, locales comme nationales.

Les membres du Conseil social rappellent par ailleurs l’importance des besoins et l’universalité de l’accompagnement du vieillissement, quelles que soient les ressources financières des locataires du parc social. Le positionnement actuel des bailleurs HLM se heurte toutefois à deux difficultés : d’une part, les financements dédiés manquent d’harmonisation ; d’autre part, les interventions des différents acteurs sont parfois conduites en silo.

I. Accroître les connaissances sur l’état des lieux et anticiper les besoins

L’évolution de la proportion de personnes âgées dans le parc a des conséquences sur l’organisation des bailleurs, leurs priorités d’intervention et leurs métiers, sachant qu’une grande majorité de personnes déclarent souhaiter vieillir dans leur domicile et, si possible, y mourir. Il apparaît donc nécessaire que les organismes anticipent ces besoins, dès à présent, tout en restant sur leur cœur de métier et dans le respect des missions de chacun.

1. Déployer une dynamique interne à l’organisme, professionnaliser les équipes et adopter une démarche holistique

  1. À partir du diagnostic de la réalité du parc et de son occupation, il est préconisé d’adopter une stratégie pour anticiper la transition démographique et décliner les enjeux à l’échelle des résidences.
  2. L’adoption d’un label dédié peut être, selon la décision de l’organisme, un levier efficace pour fédérer les équipes et les actions.
  3. Cette stratégie doit permettre de définir une politique de services idoine et un plan de travaux d’adaptation des logements comme des immeubles, intégrant également la transition climatique.
  4. Il s’agit également de préciser le plan d’action pour former les équipes.
  5. Afin de constituer un socle d’offres et d’anticiper les besoins futurs, il convient d’améliorer la connaissance et le traçage des logements qui sont adaptés ou qui le seront.

2. Mieux comprendre les besoins

Les organismes doivent analyser les données dont ils disposent dans une démarche de prévention. Cela peut passer par une segmentation par anticipation de l’occupation des 45-59 ans, une cartographie des résidences avec une « étiquette autonomie » et une connaissance fine de l’occupation pour anticiper les besoins. Une consolidation des données au niveau national, par l’Union sociale pour l’habitat, permettrait de disposer d’un outil d’analyse globale et d’être une force de proposition en matière de politiques publiques.

3. Accroître les liens avec le monde de la recherche

Il s’agit de développer des outils de connaissance et des pistes de travail et d’engager davantage d’actions de recherche et développement, en intégrant les expérimentations nationales et internationales. Le programme de recherche, et sa diffusion « Quoi de neuf, chercheur(s) ? », piloté par l’Union sociale pour l’habitat constitue notamment un support à utiliser.

II. Mettre l’accent sur la prévention de la perte d’autonomie

L’enjeu majeur consiste à faire reculer la survenance de la dépendance : lutter contre l’isolement, aménager les logements et les espaces extérieurs comme les espaces communs, proposer des services, repérer les situations de fragilité.

Pour les bailleurs, il ressort trois recommandations majeures.

4. Accroître les démarches de proximité et développer l’« aller vers » pour lutter contre le phénomène d’invisibilité et réduire le non-recours aux aides. Il s’agit de se rendre capable d’informer les locataires seniors des aides et des services dont ils peuvent bénéficier. Par exemple : les programmes développés par l’assurance retraite (CNAV), l’appui aux démarches administratives, la mise à disposition d’une plateforme téléphonique de conseils et d’urgence, l’aide à l’entretien du logement, le repérage des fragilités, la lutte contre l’isolement. La présence humaine sur le terrain, des gardiens et des employés d’immeubles notamment, s’avère importante pour organiser une « bienveillance » des personnes âgées. La tendance à la suppression de postes de gardiens constitue une entrave à cet objectif.

5. Accompagner le déploiement d’Icope

Icope (integrated care for older people, « soins intégrés pour les personnes âgées ») est un programme de prévention de la dépendance développé par l’OMS destiné aux 60 ans et plus. Il vise la prévention de la dépendance par le dépistage précoce des facteurs de fragilité des six fonctions essentielles (vision, audition, mémoire, nutrition, humeur et mobilité) grâce à une application. Les personnes chez lesquelles des fragilités sont détectées bénéficient d’un plan de soins personnalisé, du fléchage d’un parcours de soins et d’un suivi du plan d’intervention.

6. Mettre à disposition un lieu commun, selon les situations, afin d’offrir un projet de vie sociale (tiers lieu, salle de convivialité…) dans les résidences ou groupes de résidences le justifiant par le nombre ou la proportion de personnes âgées. Ce lieu peut constituer le support d’un dispositif d’accompagnement pour favoriser l’émergence d’un collectif et permettre d’organiser des animations en lien avec les acteurs locaux.

III. S’interroger sur le modèle économique de l’intervention des HLM en faveur des seniors

Les organismes HLM financent les projets d’accompagnement et de travaux sur leurs fonds propres, alors que certains dispositifs relèvent ou devraient relever de la solidarité nationale. Les bailleurs soulignent globalement la complexité, voire l’impossibilité, de définir un modèle économique satisfaisant pour répondre à tous les besoins en matière de services et d’accompagnement. Le difficile contexte financier du secteur pourrait fragiliser leur engagement sur ce thème, alors même que le besoin s’accroît.

7. Établir une convention entre l’État et l’Union sociale pour l’habitat

Cette convention viserait à définir : des axes de travail compte tenu des besoins ; un plan pluriannuel d’adaptation des logements et des parties communes ; un modèle économique soutenable pour les organismes HLM en matière d’accompagnement du vieillissement. Il pourrait être envisagé, de manière partenariale, des financements pour la création de locaux communs, supports des services et actions apportés aux personnes âgées.

8. Porter davantage à la connaissance des organismes HLM les soutiens financiers de la CNAV et des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) en matière d’offre de logements (construction et adaptation) et de services sociaux.

De manière générale, il est important d’engager des démarches pour soutenir les initiatives dans la durée, afin de pérenniser leur fonctionnement, et non se contenter de lancer des expérimentations.

IV. Accroître les actions partenariales et territoriales

La transition démographique appelle des réponses transversales déployées par des acteurs divers : État, EPCI, villes, départements, acteurs sociaux, médicaux et médico-sociaux, opérateurs de transports, bailleurs. Une prise en compte holistique de la personne dans son logement implique aussi de penser le logement dans son territoire et les services qu’il offre. En effet, si les organismes HLM ne peuvent répondre à tous les besoins des seniors, ils constituent des tiers de confiance dans la mise en relation avec les associations, les institutions et les prestataires du territoire.

9. S’appuyer sur les analyses des bailleurs HLM dans la prise en charge du vieillissement définie dans les instances et les outils locaux de contractualisation et de programmation (programme local de l’habitat, schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, comité régional de l’habitat et de l’hébergement).

10. Encourager les dispositifs partenariaux locaux porteurs d’une dynamique collective en faveur des seniors (contrats d’objectifs entre les organismes HLM et les villes ou intercommunalités, label « Ville amie des aînés », contrats de territoire entre les acteurs locaux, sous l’égide de la CNAV et des CARSAT, etc.).

11. Établir collégialement une cartographie de l’écosystème des acteurs locaux susceptibles d’agir en faveur des personnes âgées et coordonner la communauté des acteurs.

V. Diversifier l’offre de logements adaptés grâce aux constructions neuves et aux adaptations du parc existant

La proportion des grands ensembles construits dans l’après-guerre est importante dans le patrimoine HLM, alors qu’ils n’ont pas été pensés en tenant compte des enjeux du vieillissement et que de nombreux locataires y ont désormais vieilli. Selon le Système national d’enregistrement (SNE), près d’un tiers des demandes de logement social de personnes âgées de plus de 65 ans sont motivées par l’inadaptation au handicap du logement occupé, sachant que les 65 ans et plus représentent 9 % des demandeurs de logement social. Dans la logique du virage domiciliaire, la priorité des organismes HLM, en neuf comme dans le parc existant, est de proposer aux seniors une alternative au logement classique non adapté et au placement en EHPAD.

12. Intégrer une « brique senior » (adaptation des logements et accessibilité à l’immeuble) dans tous les projets neufs et de réhabilitation (à l’instar de MaPrimeAdapt’, avec un dispositif supplémentaire pour le parc social), en se faisant accompagner par des experts (ergothérapeutes, ergonomes, etc.) qui interrogent le vécu des locataires dans les phases de conception.

13. Assortir le plan stratégique de patrimoine de chaque organisme d’un volet adaptation au vieillissement (travaux d’adaptation minimaux à programmer : accès au logement, éclairage du hall, douche, barres de maintien dans la salle de bain).

14. Expérimenter de nouveaux modes d’habiter et favoriser le développement de formes diverses d’habitat (habitat inclusif, habitat intergénérationnel, résidences seniors, habitat adapté, colocations, béguinage, habitat participatif, etc.) pour répondre aux ressources hétérogènes des locataires et à la diversité des besoins.

15. Dans le cadre du droit au maintien dans les lieux, améliorer les possibilités de mutation sans augmentation de loyer si le nouveau logement est plus adapté.

  1. Pour les personnes dont le niveau de dépendance est susceptible de se dégrader, faciliter les mutations dans des logements pouvant être évolutifs.
  2. Développer les mutations entre bailleurs pour proposer des logements les plus adaptés à la situation des personnes.
  3. Proposer un accompagnement complet pour les déménagements.
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