est chargée de mission à l'Assemblée des Communautés de France (AdCF)
est délégué général de l'Assemblée des Communautés urbaines de France (ACUF).
L'intercommunalité, une bonne échelle
L'existence d'une offre de logements répartie de façon équilibrée sur l'ensemble du territoire et accessible à toutes les catégories de population est un enjeu majeur de nos sociétés. Les groupements intercommunaux, notamment autour des grandes agglomérations, apparaissent comme
la bonne échelle pour répondre à ces défis et satisfaire aux impératifs de mixité sociale et de solidarité, tout en apportant une meilleure maîtrise de l'étalement urbain.
Jusqu'alors très centralisée, la politique du logement amorce depuis une dizaine d'années un mouvement de décentralisation qui se traduit par la montée en puissance des collectivités locales en matière de politique de l'habitat. Trois éléments expliquent cette mobilisation de l'échelon local : la raréfaction de la ressource publique - pour faire face à son déficit budgétaire, l'Etat est conduit à se tourner vers d'autres partenaires -, l'évolution du paysage institutionnel marquée par le développement vigoureux de l'intercommunalité qui couvre désormais (à l'exception de l'Ile-de-France) la quasi-totalité du territoire national et regroupe 86 % de sa population ; et, enfin, la crise du logement qui met sous tension les grandes agglomérations où le déséquilibre entre la demande et l'offre de logements s'accroît.
La loi relative aux Libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, a donné aux intercommunalités (communautés urbaines et communautés d'agglomération) qui le souhaitent, la possibilité de piloter les crédits aidés de l'Etat en faveur de la production neuve de logement et du parc privé. Le succès de cette délégation des aides à la pierre (98 délégations signées soit plus de 50 % de l'enveloppe budgétaire de l'Etat désormais déléguée) confirme la forte implication des communautés dans le domaine du logement, en particulier au sein des agglomérations qui en ont fait une composante essentielle de leur développement, parallèlement aux actions en matière économique et aux politiques locales d'aménagement. Au-delà de ces implications, l'engagement financier des communautés est aujourd'hui très important et les positionne comme des acteurs incontournables des politiques du logement.
On ne peut que se féliciter de ce mouvement de décentralisation des politiques locales de l'habitat en faveur de l'intercommunalité. Il semble à présent irréversible et place les groupements intercommunaux en situation de responsabilité. Néanmoins, un certain nombre de prérequis sont indispensables pour que ces derniers puissent assurer pleinement cette position de chef de file et conduire efficacement leurs politiques de l'habitat au niveau local.
Du local au national
Trois axes sont à privilégier. Tout d'abord, il est essentiel d'articuler politique nationale et stratégies locales en matière d'habitat. L'affirmation d'une politique nationale volontaire en faveur du logement social est essentielle. Toutefois, les politiques de l'Etat doivent veiller à leur bonne articulation avec les choix locaux.
En premier lieu, on note une vive contradiction entre les politiques nationales (aides fiscales à l'investissement locatif, logiques d'intervention ciblée via l'Anru, politique de conventionnement des logements par l'Anah) et le développement d'un pilotage local des politiques de l'habitat. Comment mettre en œuvre une politique du logement à l'échelle de l'ensemble de l'agglomération, si se développent des initiatives non concertées pour lesquelles les communautés n'ont de prise ni sur les règles, ni sur le fonctionnement ? Ces contradictions constituent un frein réel pour les agglomérations engagées sur le terrain et doivent être levées en clarifiant les responsabilités de chacun.
Les collectivités délégataires des aides à la pierre font également le constat d'une connaissance inégale et inappropriée des besoins locaux par les services de l'Etat en charge de la répartition des enveloppes de financement. Il importe de mettre en œuvre des mécanismes objectifs d'appréciation des besoins en logement, reposant sur une véritable expertise locale et permettant d'alimenter, du local vers le national et non l'inverse, le Plan de cohésion sociale conçu par le ministère du Logement.
C'est le Plan local de l'habitat (PLH), dont le contenu a été renforcé avec la délégation des aides à la pierre, qui constitue désormais la clé de voûte des politiques locales de l'habitat : il recense les besoins et donne, en les territorialisant, les objectifs à atteindre. Il est le document de référence de la collectivité, et porte ses ambitions politiques sur le territoire communautaire et dans les relations avec ses communes membres. Pour autant, les communautés constatent que la programmation au niveau national (nombre et type de logements bénéficiant d'une aide) n'est pas toujours en relation avec celle des PLH. Aussi, il convient d'associer plus étroitement les communautés délégataires à la définition des objectifs au niveau national tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Ceci permettrait d'apporter plus de lisibilité dans les clés de répartition des enveloppes de financement entre régions et de respecter un principe d'équité entre les différents territoires, délégataires ou non délégataires.
Au niveau local, pour favoriser la mise en œuvre opérationnelle des PLH, il est indispensable de renforcer leur articulation avec les autres documents de programmation et d'aménagement (Scot, PLU...). Une piste à suivre serait de donner plus de force et de précision au rapport de compatibilité qui s'impose entre les documents de planification définis à l'échelle intercommunale et les plans locaux d'urbanisme. Sur certaines orientations majeures, les PLU pourraient être astreints à respecter les orientations définies dans les documents communautaires. Les communautés d'agglomération et de communes (qui ne disposent pas, contrairement à leurs grandes sœurs les communautés urbaines, de compétences en matière de droit sur le sol) doivent progressivement s'affirmer dans le champ de l'urbanisme opérationnel. La gestion du droit des sols revêt un caractère essentiel pour traduire les orientations définies dans le cadre communautaire.
Enfin, les communautés s'accordent à considérer que le droit au logement est une valeur fondamentale et sont favorables, sous réserve de disposer des moyens nécessaires, à concourir à son instauration. En revanche, le droit au logement ne peut résumer à lui seul la politique de l'Etat en matière d'habitat. La mise en œuvre du droit au logement ne doit pas avoir pour effet de limiter l'action des agglomérations au logement des plus pauvres, mais au contraire de leur donner les moyens d'intégrer une politique sociale du logement au sein de stratégies plus globales : politiques d'acquisition foncière, interventions sur le parc privé... C'est toute la chaîne du logement qu'il faut prendre en compte pour résoudre la crise actuelle et redonner diversité et fluidité aux parcours résidentiels.
Il semble donc essentiel de définir les conditions d'un dialogue permanent entre les communautés, désormais en situation de responsabilité, et l'Etat, destiné à coordonner de manière efficace politique nationale et politiques locales.
Mieux cibler le financement du logement social
Deuxième axe prioritaire : la politique de financement du logement social doit être plus ciblée et plus efficace. Les règles actuelles de financement du logement social, anciennes et sans cesse modifiées sans rénovation en profondeur, sont devenues inadaptées, incohérentes et illisibles. Les communautés sont confrontées à une très forte progression des coûts de la construction, accompagnée d'une très grande disparité d'une région à l'autre ainsi qu'en témoigne une enquête récente conduite par l'ACUF, l'AdCF et l'Union sociale pour l'habitat (USH). Il en résulte un décalage croissant et préoccupant entre les niveaux de loyers et les capacités contributives des demandeurs.
Ainsi, les communautés sont le plus souvent contraintes d'ajuster seules les plans de financements par une augmentation de leur participation financière, les engagements financiers de l'Etat connaissant au mieux une stabilité. Plusieurs mouvements s'entrecroisent et vont dans le sens d'une remise à plat complète de l'organisation traditionnelle du financement du logement social. Ainsi, la logique traditionnelle des aides à la pierre est remise en cause par une politique d'hypersegmentation : financement de l'Anru, financement de filières de production spécifique... et l'émergence de nouveaux opérateurs polyvalents, intervenant de la production à la gestion des logements avec des logiques propres et non concertées avec les communautés.
La généralisation des aides fiscales relevant de politiques nationales, aveugles aux spécificités locales, entre en contradiction avec un pilotage plus ciblé des politiques de l'habitat. Au total, les aides publiques ayant vocation à être pilotées au niveau local ne représentent plus qu'une faible proportion des financements publics dédiés au logement. Il conviendrait de donner aux collectivités délégataires des aides à la pierre la possibilité de moduler les aides fiscales au niveau local afin de les mettre en cohérence avec les marchés locaux de l'habitat.
La montée en régime artificielle des coûts du foncier et de l'immobilier, observée sur tout le territoire, est liée principalement aux politiques d'incitation fiscale sursolvabilisant les investisseurs privés. Enfin, on observe une fragilisation du financement du logement social : banalisation annoncée du livret A, forte centralisation des ressources du 1 % logement...
Laisser le pilotage aux communautés
Ces éléments de constat vont dans le sens d'une remise à plat des règles actuelles du financement du logement social (répartition régionale des enveloppes, barèmes, actualisation des données de référence...). Il s'agit finalement de mieux prendre en compte l'économie globale de la filière et la réalité des marchés locaux de l'habitat auxquels les communautés sont confrontées.
C'est dans cet esprit que le Plan de cohésion sociale qui s'achèvera en 2009 doit être pérennisé et s'inscrire dans la durée afin d‘apporter aux collectivités plus de lisibilité et une capacité de programmation à même de réguler la segmentation de l'offre. A moyen terme, un transfert total au bénéfice des collectivités locales de la compétence de programmation des financements en faveur de la production de logements aidés pourrait être envisagé.
Renforcer la capacité des communautés à piloter les politiques locales est le troisième levier d'action. Il s'agit de donner aux communautés les moyens de faire face dans de bonnes conditions à la montée en puissance de leurs compétences dans le domaine de l'habitat. Pour autant, les communautés font le constat des difficultés qui existent encore.
Ainsi, l'Etat se désengage progressivement au niveau local (DDE) en réduisant fortement ses effectifs, alors que les communautés, pour certaines, commencent à peine à mettre en place des moyens humains et matériels adaptés à leurs nouvelles responsabilités.
Les acteurs intervenant sur le territoire des communautés en matière d'habitat sont nombreux (Etat, département, organismes HLM, Anah, Anru...), leurs relations et les dispositifs utilisés souvent complexes. Leur pilotage par les communautés impose la mise en place d'équipes expérimentées et de moyens adaptés...
qu'elles devront financer.
Les outils d'observation sont encore très centralisés, alors qu'une connaissance fine des besoins des territoires est plus que jamais nécessaire, notamment pour renforcer la capacité des élus intercommunaux à comprendre les enjeux actuels et à les anticiper. Ces dispositifs d'observation doivent aller du local vers le national et non l'inverse. Dans cet esprit, les communautés délégataires souhaitent une mise à disposition immédiate et sans contrainte des bases de données nationales pour ce qui concerne leur territoire.
Enfin, il n'existe à ce jour aucun recensement exhaustif et rigoureux des apports directs et indirects des communautés en faveur du logement. La définition d'un cadre de référence de traitement de ces données statistiques et financières doit être une priorité.
Le développement de l'intercommunalité dans les grandes agglomérations est une des conditions de la réussite des politiques locales de l'habitat. Nombreuses sont celles, communautés urbaines et communautés d'agglomération, qui se sont engagées fortement sur ce terrain parfois depuis longtemps. Il importe aujourd'hui de les accompagner et de leur donner les moyens de poursuivre efficacement, en concertation avec l'ensemble des acteurs, ce mouvement.
- Etude du Réseau des acteurs de l'habitat. Les premiers résultats ont été présentés le 19 septembre 2007
au congrès de l'USH. Une journée d'échange sur les résultats définitifs sera organisée par le Réseau des acteurs de l'habitat début 2008.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2007-11/l-intercommunalite-une-bonne-echelle.html?item_id=2811
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