Eric Blanc, MBA de l’Université de Columbia/ISG, est directeur général de Pierre et Vacances Tourisme depuis 1999. Il était auparavant directeur général d’Havas Voyages grand public.
La révolution du « court séjour »
Eric Blanc explique pourquoi le « court séjour
» est en train de devenir un substitut à la résidence
secondaire.
Comment
se traduit pour votre activité la progression du temps libre des
Français ?
Eric Blanc. Voici deux ans, Pierre et Vacances ne proposait
encore essentiellement que des séjours d’une semaine. Nous
avions alors un taux de remplissage optimum, proche de 100 %, pendant
toutes les vacances scolaires françaises, ce qui est d’ailleurs
toujours le cas aujourd’hui. Hors vacances scolaires, notre taux
de remplissage hebdomadaire moyen se situait entre 50 et 70 %.
Depuis, la donne a évolué : il existe aujourd’hui
un vrai marché du « court séjour » et nous proposons
dans nos résidences des séjours d’un minimum de deux
jours (un jour même pour nos résidences urbaines comme celles
de Paris). Nous nous sommes vite aperçus que, grâce à
cela, nous remplissions mieux les week-ends, et ce dès le jeudi
soir. Pierre et Vacances est plutôt positionnée sur une clientèle
de catégories socioprofessionnelles supérieures (encadrement
moyen et supérieur) qui, pour une partie d’entre elles, ont
bénéficié d’une baisse de leur temps de travail
tout en ayant les moyens financiers de « s’échapper
».
Comment
avez-vous fait connaître votre nouvelle offre ?
Nous avons créé une brochure « grands
week-ends et courts séjours » que nous avons diffusée
à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, avec comme
principal objectif de faire connaître les nouvelles possibilités
de séjours de courte durée proposées par Pierre et
Vacances, et de montrer que les résidences de tourisme peuvent
aussi être un substitut à la résidence secondaire
sans en avoir les inconvénients. Pour les courts séjours,
en effet, tout est fait pour que le client n’ait aucune contrainte,
pas même celles de faire son lit ou le ménage à son
départ. En plus, il a le choix entre quatre-vingt-une destinations
en métropole…
Quel
accueil avez-vous reçu ?
En avril, mai et juin 2001, près de 60 % des séjours
dans nos résidences étaient d’une durée inférieure
à six jours. La progression du court séjour est de l’ordre
de 50 % en un an.
Quelles sont les conditions de cette réussite ?
Les résidences qui ont le plus bénéficié
de ce développement sont situées dans un rayon de 300 kilomètres
autour d’un bassin de population important.
Elles sont aussi facilement accessibles par avion de
Paris ou à moins trois heures de TGV.
Enfin, elles proposent des activités, sur le site lui-même
ou à l’extérieur.
En fait, nous avons deux types de « produits »
: des résidences comptant cent à cent-cinquante «
unités d’hébergement » avec piscine, qui constituent
de bons points de chute pour la découverte d’une région
; et des villages situés sur des sites importants – allant
jusqu’à plusieurs centaines d’appartements et maisons
–, où toutes les activités sont offertes sur place.
Pour les courts séjours dans les villages, les
clubs enfants sont très utilisés car si les parents veulent
d’abord un week-end pour eux, ils s’assurent que leurs enfants
ont des occupations intelligentes et sont bien encadrés. Dans les
villages, parents et enfants vont donc chacun de leur côté.
A l’inverse, dans les résidences, nos clients viennent pour
vivre ensemble.
Il n’y a pas de profil-type de notre client pour
le court séjour, si ce n’est que nous recevons un peu moins
de familles que pour les séjours d’une semaine, et plus de
« groupes d’amis » qui viennent se retrouver là
comme dans une résidence secondaire.
La
formule du court séjour est proposée depuis longtemps par
Center Parcs que le groupe Pierre et Vacances a racheté …
Oui, Center Parcs a toujours proposé du court séjour, ce
qui lui permet d’avoir un taux de remplissage de plus de 90 % à
l’année. Les clients qui viennent à Center Parcs pour
trois jours sont assez proches de ceux qui viennent en court séjour
dans nos villages pour pratiquer des activités. Ils n’ont
en revanche pas les mêmes attentes que ceux qui viennent dans nos
résidences pour découvrir un lieu.
Pour
le moment, ce sont surtout vos clients français qui demandent du
court séjour…
Oui, absolument, c’est une clientèle encore
très franco-française qui pratique le court séjour.
Mais faire venir des Européens constitue une de nos priorités
de demain car 49 % de la clientèle globale de Pierre et Vacances
est étrangère, venant surtout d’Europe du Nord, de
Grande-Bretagne, d’Allemagne, de Belgique, du Luxembourg et d’Italie.
Il nous paraît primordial d’attirer ces clients nord-européens
en court séjour, mais le marché n’est pas aussi large
qu’en France. Ils ne bénéficient pas, en effet, de
la même réduction du temps de travail, et ils ont moins de
résidences secondaires, puisque en ce domaine, la France est «
championne du monde ».
En
France, la baisse du temps de travail a en priorité bénéficié
aux catégories employés et ouvriers…
Ces catégories ont plus de temps disponible mais
le passent plutôt chez elles, n’ayant pas encore suffisamment
de possibilités d’accroître leurs dépenses de
loisirs.
Pour
proposer du court séjour, comment devez-vous adapter
vos résidences et vos villages ?
Pour les villages existants où il y a un potentiel
réel de développement de la clientèle en avant et
en arrière-saisons, nous réfléchissons aux investissements
adéquats. Prenons l’exemple de Pont-Royal, en Provence, entre
Aix et Avignon ; ce village, qui est à deux heures quarante de
TGV de Paris et à une heure de Marseille, peut intéresser
la clientèle de Paris, Lyon, Marseille, mais aussi de Suisse. Or,
si son taux de remplissage est très satisfaisant pendant les vacances
scolaires, nous pourrions l’améliorer plus encore le reste
de l’année. Nous pensons donc, par exemple, créer un
espace ludo-aquatique couvert, avec piscine, sauna, hammam et fitness.
A Belle-Dune, en Picardie, nous avons déjà une bulle aquatique
couverte. A Port-Bourgenay, en Vendée, nous allons concevoir des
espaces couverts pour que les animations puissent se dérouler toute
l’année.
Nous regardons également comment étendre
certaines activités (supérettes, par exemple) pendant des
périodes plus longues.
Notre volonté de développer les courts
séjours toute l’année nous conduit donc à repenser
nos services et nos équipes : nous devons réduire au minimum
les contraintes pour la clientèle de court séjour, y compris
en offrant des possibilités d’arrivée et de départ
les plus étendues possibles.
N’y
a-t-il pas des « produits » à inventer ?
Nous essayons de tenir compte dès la conception du site du potentiel
de court séjour quand il existe. Ainsi, aux Issambres, dans le
golfe de Saint-Tropez, nous avons inauguré il y a six mois notre
premier centre de thalassothérapie intégré pour attirer
une nouvelle clientèle hors vacances scolaires.
A l’avenir, nous cherchons à créer
des résidences avec piscine couverte, par exemple en Bretagne ou
en Normandie, où nous savons que les Britanniques, notamment, veulent
des espaces aquatiques couverts et découvrables.
Nous allons aussi continuer à développer
le « tourisme de pays » dans les régions de passage
où les touristes français et européens peuvent s’arrêter
en court séjour quand ils traversent notre pays : par exemple,
sur la route des châteaux de la Loire, en Alsace, en Dordogne, en
Bourgogne… Il s’agit de développements que nous mènerons
soit seuls, soit avec l’aide des collectivités, et parfois
associés à un centre aquatique, à un golf ou à
toute autre activité phare.
Début 2003, nous ouvrirons une nouvelle résidence
à Val-de-France, à côté du parc Disneyland
Paris. Nous espérons y accueillir pour trois ou quatre jours minimum
une clientèle internationale, souhaitant à la fois fréquenter
Disneyland et découvrir Paris.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-1/la-revolution-du-«-court-sejour-».html?item_id=2408
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