Bernard Théobald est délégué général de Périfem. Il est administrateur de l’Afnor, président du comité de certification et vice-président national du Cobaty international.
La sécurité doit être au service du commerce
S’il est illusoire de croire que l’Etat
et ses administrations, si performantes soient-elles, puissent résoudre
tous les problèmes de société, freiner, voire stopper
toutes les formes de délinquance, de plus en plus sophistiquées
ou violentes, il est prouvé tous les jours que chaque collectivité,
chaque entreprise, chacun de nous, a le pouvoir de réduire de façon
spectaculaire le risque de concrétisation d’une menace et
les conséquences d’une action malveillante. Les représentants
de la grande distribution réunis dans Périfem1
s’efforcent depuis plus de dix ans de travailler dans ce sens.
Il faut tout d’abord poser le principe qu’il
n’y a pas de liberté possible sans sécurité.
C’est un principe démocratique. Montesquieu disait déjà
: « Le commerce guérit des préjugés destructeurs
et c’est presque une règle générale que partout
où il y a des mœurs douces, il y a du commerce et que partout
où il y a du commerce, il y a des mœurs douces. » La
sécurité doit donc être au service du commerce pour
lui permettre de s’exercer dans les meilleures conditions.
La problématique de la sécurité
dans la grande distribution doit être traitée par l’étude
des différentes menaces puis par la présentation des moyens
à mettre en œuvre, moyens étudiés ou en cours
d’étude à Périfem, en partenariat avec les ministères
concernés et les industriels.
Quelles
menaces contre la grande distribution ?
Elles sont d’origines diverses : banditisme classique,
criminalité organisée (par exemple les mafias pour qui la
grande distribution – compte tenu de ce qu’elle représente
en volume et en flux financiers générés – constitue
une proie de choix), terrorisme, violences urbaines…
De nombreuses « cités interdites »
recensées par les services officiels risquent de condamner à
plus ou moins long terme toute activité commerciale. On passe dans
certaines cités à la loi de la rue, avec un système
quasi féodal. Malgré toutes ces difficultés, le commerce
reste un des derniers acteurs privés à s’y maintenir.
Le commerçant, dernier vestige de la civilisation urbaine classique,
sera-t-il un otage ou un facteur de renouveau ?
Ces menaces, aux origines très diverses, s’exercent
à différents niveaux.
Les menaces contre les personnes : le chantage, qui consiste à menacer
soit directement, soit indirectement, et parfois des menaces plus directes
contre les personnes : menaces de mort, coups et blessures, violence.
Elles constituent le quotidien dans certaines grandes sur-faces. Nous
devons donc mener une lutte incessante pour conserver le contrôle
de nos territoires parce que les commerces sont avant tout des territoires
destinés à y recevoir une activité commerciale et
non des lieux de règlements de comptes.
Tout ce qui concerne les enlèvements, les prises d’otages, les
séquestrations.
Les attaques contre les biens (hold-up, racket) et les attaques contre les
marchandises.
Il ne faut pas négliger les vols et détournements en logistique,
les vols sur les plates-formes, dans les entrepôts ; vols de semi-remorques,
détournements ou « erreurs d’aiguillage » de palettes.
Il existe une autre forme d’attaque, celle qui porte sur l’image
de l’entreprise ou l’éthique. Ce type de manifestations
sournoises, diffuses mais ciblées, a une propension à se
développer.
Face à tous ces risques, la grande distribution
a déjà réagi, et travaille – à travers
Périfem avec les ministères concernés – à
l’articulation et à la cohérence des sécurités
privée et publique, avec la participation de sociétés
et d’industriels acteurs de la sécurité.
La grande distribution consacre des sommes importantes
à la sécurité, tant en matériel qu’en
personnel. A titre d’exemple : en 1999, plus de 107 millions d’euros
dans les systèmes antivols, près de 100 millions d’euros
en surveillance humaine et 20 millions en coût de télésurveillance.
Des investissements importants
Il faut consentir les investissements nécessaires
pour permettre à l’hypermarché, au centre commercial
et au magasin de proximité d’avoir une activité tout
à fait normale et permettre ainsi aux clients de se sentir en sécurité,
donc de continuer à venir.
C’est pourquoi, au sein de Périfem, de nombreuses
commissions abordent ces différents problèmes, que ce soit
la formation des agents de sécurité, avec le syndicat du
SNES, le ministère de l’Intérieur et l’Afpa ;
le suivi des évolutions techniques concernant la vidéosurveillance,
la télésurveillance, les systèmes antivols ; la mise
en place de statistiques avec le ministère de l’Intérieur
et d’un guide sur les moyens et les limites d’intervention d’un
directeur de magasin ; la participation aux contrats locaux de sécurité
avec les communes.
Et, d’une façon plus générale,
le groupe français « miroir » Afnor CEN/TC 325, auquel
participe Périfem, s’efforce de définir les contours
d’un urbanisme et d’une architecture plus sûrs, moins
« faciliteurs » de délinquance.
La conception de la sécurité doit évoluer
parallèlement à la société et à l’évolution
des technologies, sous forme d’une véritable expertise à
intégrer dès la conception des projets d’urbanisme,
ce qui permettra un véritable diagnostic de sécurité
sur le site.
La demande générale de sécurité
publique nécessite, du fait de l’évolution de la société,
la mise en place de règles nouvelles, l’implication totale
des acteurs (concepteurs, entreprises de bâtiment, gestionnaires,
etc.) aux divers stades du projet (études, réalisation,
etc.) et ce afin de réduire les troubles ou d’en prévenir
la survenance. Les architectes et les urbanistes doivent intégrer
dans leur « mode de faire » les exigences de la population
en matière de sécurité.
Désormais, il sera difficile pour l’ensemble
des partenaires publics et privés d’ignorer les contraintes
et les anticipations nécessaires à la prise en compte de
la prévention de la malveillance dans la conception des grands
équipements urbains. Il faudra d’autant moins négliger
l’apport des technologies nouvelles (vidéo, contrôle
d’accès, etc.), toujours plus performantes et efficaces, qu’elles
contribueront au développement d’une sécurité
plus affirmée.
Le courant de recherche appliquée en prévention
situationnelle est aujourd’hui beaucoup moins radical et se garde
d’isoler une seule cause. Il tente au contraire de déterminer
un ensemble de facteurs sur lesquels il conviendra d’influer.
L’insécurité
hors de prix
Les douze techniques de la prévention situationnelle
sont : protection des cibles, contrôle des entrées et sorties,
élimination des cibles, accès plus difficile, surveillance
formelle, identification des biens, orientation du public, surveillance
par les employés, réduction des tentations, instruments
de la délinquance moins accessibles, surveillance naturelle, implantation
de règles.
La constante évolution des technologies a bien
sûr permis d’immenses progrès ces dernières années,
mais n’oublions jamais qu’elles ne permettent que le prolongement
et le perfectionnement des sens humains et que c’est l’homme
qui attaque, l’homme qui est attaqué et l’homme qui doit
savoir et pouvoir réagir.
La priorité de Périfem est donc d’aider
ses membres à tous les stades de la conception et de la mise en
place d’une politique de prévention en tenant compte des qualités
et des faiblesses de l’homme. La sécurité a un coût,
qui peut être limité. L’insécurité peut
être hors de prix.
Bibliographie
- Séminaire de la sécurité dans le commerce à Salon-de-Provence les 23-24 et 25 avril 2001 (Jacques Lecler).
- Afnor, « Prévention de la malveillance », CN93, 2001
- Clark Ronald, Les technologies de la prévention situationnelle, IHESI 1995
- Coqueteau Frédéric et Marie-Lys Pottier, Vigilance et sécurité dans les grandes surfaces, IHESI 1995
- Périfem
est l’Association technique du commerce. Elle est liée par
un accord à la Fédération des entreprises du commerce
et de la distribution, à l’Union des grands commerces de centre-ville,
à la Fédération des magasins de bricolage et au Conseil
du commerce de France. Elle a été créée en
1980 par le secteur de la distribution afin de réfléchir
et de proposer des solutions d’amélioration de la construction
ou de l’exploitation des surfaces commerciales.
Elle est composée de trois collèges : un premier collège
de la grande distribution, un deuxième collège composé
de promoteurs gestionnaires de centres commerciaux et un troisième
regroupant environ 120 industriels fournisseurs de solutions techniques.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2002-1/la-securite-doit-etre-au-service-du-commerce.html?item_id=2413
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