Patrick MARTIN

Président du MEDEF

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Les contre-pouvoirs ont-ils encore du pouvoir ?

Quand on évoque la question des contre-pouvoirs, on ne peut faire l’impasse sur l’auteur de l’Esprit des lois. D’après Montesquieu « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », une définition des contre-pouvoirs qui transcende les siècles. Cette définition, plus que jamais ancrée dans les sociétés occidentales, constitue le fondement même des démocraties libérales. Les contre-pouvoirs sont les garants de la liberté et interrogent le modèle même de notre société : à l’aune de la crise démocratique que nous traversons, s’agit-il d’une crise des contre-pouvoirs ?

Depuis une vingtaine d’années, on constate une très forte tentation de la part des gouvernements successifs de remettre en cause le rôle et la légitimité même des corps intermédiaires, et donc leur pouvoir. D’une part, l’administration fabrique, sans concertation préalable, de plus en plus de normes sur une multitude de sujets, des plus quotidiens aux plus complexes. D’autre part, les gouvernements ont tenté de reprendre la main sur les dossiers sociaux, avant tout afin de récupérer la gestion – particulièrement responsable et à l’équilibre – de dispositifs confiés aux partenaires sociaux. C’est ce que l’on a vu au travers des négociations sur les retraites, la formation ou l’assurance-chômage.

Cette approche autarcique met non seulement en péril le fonctionnement démocratique mais pose également question en matière d’efficience des politiques publiques. Question que la situation critique de nos finances appelle pourtant à se poser d’urgence. En période de crise, les corps intermédiaires représentatifs de la société civile – dont le MEDEF, première organisation patronale de France, et la FFB, qui occupe au sein du MEDEF une place particulièrement importante – constituent des interlocuteurs stratégiques. Je pense en particulier à la gestion de la crise sanitaire. Grâce au travail étroit de coconstruction entre les représentants des entreprises et le gouvernement, des solutions d’urgence ont pu être trouvées, préservant au maximum l’activité des entreprises et leurs salariés.

Les exemples de réussite du MEDEF les plus illustratifs tirent leur succès d’un travail collectif, en responsabilité, avec l’ensemble des forces en présence ouvertes au dialogue.

Si la démocratie politique se situe toujours au-dessus de la démocratie sociale, elle devrait se garder de remettre en cause le rôle et les bénéfices de la démocratie sociale. Le pouvoir politique n’a pas le monopole de l’intérêt général. Il en partage une fraction avec les contre-pouvoirs que sont les corps intermédiaires. À titre d’exemple, la méthode de fabrication de la décision mériterait d’être revue. La construction des lois devrait être fondée sur des études d’impact, réalisées en amont et en aval, de façon indépendante des services de l’État, en toute impartialité. Cette approche rendrait ses lettres de noblesse au principe de société libérale si cher à Montesquieu, et au MEDEF !

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