Géopolitique du carbone : les États face à la décarbonation
Décarboner le monde relève du défi et de la nécessité géopolitiques. Expertises scientifiques, intérêts économiques, mobilisations politiques et négociations diplomatiques composent un terrain et un thème à la fois de conflits et de coopérations. Enjeu global pour l’humanité, la géopolitique du carbone est aussi un enjeu de souveraineté.
En décembre 2022, l’Union européenne a créé une taxe carbone à ses
frontières. Ce « mécanisme d’ajustement » a pour objectif d’élargir le
système de l’écotaxe aux entreprises non européennes, afin de ne pas pénaliser les
seuls producteurs européens et d’éviter les délocalisations industrielles. Les recettes
de cette taxe doivent alimenter le budget européen et financer en partie les efforts de décarbonation
des États.
La décarbonation est devenue le mot d’ordre dans les pays avancés, comme désormais dans le
reste du monde, en lien avec les négociations climatiques dans le cadre de la COP (Conférence des
parties), afin de lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions de gaz à
effet de serre, dont le premier est le dioxyde de carbone. Le carbone est devenu sans conteste l’ennemi public
numéro 1 : il est un des éléments chimiques les plus abondants sur Terre à
l’état naturel, mais s’avère un danger lors de sa combustion. La combustion du carbone,
sous différentes formes, a accompagné le progrès technique depuis la révolution
industrielle, si bien qu’elle est désignée comme le principal responsable du
réchauffement climatique actuel, évalué à environ 1,2 °C depuis le XIXe
siècle. Pourtant, le prix actuel du carbone dans le monde est très loin de compenser ses effets
néfastes et de pousser à une décarbonation accélérée.
Véritable enjeu de civilisation, la décarbonation est devenue un objet de géopolitique,
mobilisant de nombreux acteurs, étatiques et non étatiques (ONG, associations, entreprises), qui
n’ont pas forcément les mêmes agendas ni les mêmes stratégies, allant de la
quête d’une gouvernance climatique efficace à la guerre écologique 1.
Des responsabilités partagées mais différenciées
Le carbone fait irruption dans la géopolitique mondiale lors du troisième sommet de la Terre, à
Rio de Janeiro (Brésil), en 1992. C’est alors qu’est élaborée une convention-cadre
des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ouvrant la voie à un premier protocole de
stabilisation des émissions de carbone à Kyoto en 1997. Est alors retenu le principe de «
responsabilités communes mais différenciées » pour organiser la négociation entre
les États. Mais ce principe mène à une impasse, les États gros pollueurs étant
renvoyés à la « dette écologique » contractée vis-à-vis des pays
moins développés depuis le XIXe siècle, générant de fortes tensions
diplomatiques. C’est ainsi que les parties prenantes se sont entendues, lors de la COP21, à Paris, sur
la notion de « responsabilité historique », qui ouvre la voie au principe de
dédommagement.
Dans la géopolitique mondiale du carbone se distinguent actuellement quatre grands types d’États
en fonction de leur passé de pollueur et de leur volume actuel d’émissions de carbone par
habitant : primo, les grands émetteurs historiques, qui se différencient toujours par de gros
volumes (États-Unis, Chine, Europe, Russie et Japon). Leur responsabilité historique est
désormais reconnue, mais elle demeure très difficile à quantifier, peut-être de
l’ordre des trois quarts du réchauffement climatique actuel. Secundo, les États qui ont
peu émis historiquement mais qui génèrent désormais d’immenses volumes par
habitant, en particulier dans la zone Moyen-Orient-Golfe (un Qatarien émet sept fois plus que la moyenne
mondiale et vingt fois plus qu’un Indien). Tertio, les pays émergents, dont les
émissions augmentent, mais dans des volumes qui restent faibles rapportés au nombre d’habitants
(Inde, Brésil, Afrique du Sud, Indonésie). Tous ces pays émergents et en développement
connaissent une forte augmentation qui n’est pas compensée par la baisse dans les pays
développés, c’est pourquoi les émissions de carbone augmentent continûment depuis
1992 dans le monde (+ 50 %) et que l’objectif de limiter l’augmentation à 1,5 °C d’ici
à la fin du XXIe siècle par rapport aux temps préindustriels est intenable (l’ONU table
plutôt sur + 2,7 °C, ce qui est pourtant jugé irréaliste par certains experts). Enfin,
dernière catégorie, tous les pays qui émettent peu, ou pas, et seront les grandes victimes du
changement climatique.
Ainsi, d’une manière générale, dix pays totalisent à eux seuls 65 % des
émissions et vingt pays quelque 85 %. Inversement, la moitié des États de la planète
n’en réalisent que 10 % et en seront pourtant les principales victimes (« injustice climatique
»), avec une Afrique subsaharienne particulièrement vulnérable. Cette dernière
représente 4 % des émissions de GES mais elle est menacée par un risque de déclin des
rendements agricoles de 20 % à 25 % et de baisse des récoltes de 40 % à 50 % d’ici
à 2100. Pour les pays les plus faibles et les plus vulnérables, il y a nécessité de se
regrouper en coalitions pour peser face aux grands États, avec, par exemple, l’Alliance des petits
États insulaires (AOSIS) ou la Coalition for Rainforest Nations. Certains grands États
pensent que les COP sont trop lourdes et lentes et militent pour des solutions en club restreint, par exemple dans
le cadre du G20. Les États-Unis ont aussi réuni, en janvier 2022, le Major Economies Forum on
Energy and Climate pour discuter d’une stratégie commune de baisse des émissions de
carbone.
Le GIEC de rapport en rapport
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), créé
en 1988 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation
météorologique mondiale (OMM), est, selon le mot de la chercheuse Kari De Pryck, « la
voix
du climat ». Couronné d’un prix Nobel de la paix en 2007, composé de
milliers de
savants de différentes nationalités et disciplines, il publie des rapports scientifiques sur
lesquels
s’appuient les États pour mener les négociations climatiques internationales. Le GIEC est
composé plus particulièrement de trois groupes de travail : aspects scientifiques du
changement
climatique impacts et vulnérabilité des systèmes socio-économiques et
naturels solutions envisageables. Il compte aussi une équipe spéciale pour les inventaires
nationaux de gaz à effet de serre.
Depuis sa création, le GIEC a publié six rapports d’évaluation, en 1990, en 1995-1996,
en
2001, en 2007, en 2013-2014 et en 2022. Ces rapports montrent l’intensification de l’effet de serre
du
fait de l’activité humaine. Le cinquième rapport, synthétisant 9
200 études,
a notamment montré que toute augmentation des températures au-delà de 1,5 °C par
rapport aux niveaux préindustriels aggraverait les impacts sur l’environnement. Le sixième
rapport, en 2022, alerte sur le fait que le seuil de 1,5 °C de réchauffement pourrait
être atteint dès 2030, soit dix ans plus tôt que la précédente estimation,
concluant à une inquiétante accélération du réchauffement.
Le GIEC a été accusé de fausser les résultats (Climategate) et de les
dramatiser
afin de servir la cause des lobbyistes de l’écologie en faveur de la décroissance. Or, le
mandat
du GIEC consiste uniquement à fournir une expertise aidant la prise de décision politique et
servant
de base aux négociations multilatérales. Il n’est pas directement prescripteur et ne prend
part
aux négociations internationales qu’à titre d’observateur.
Les négociations climatiques internationales
La géopolitique du carbone implique un changement radical de paradigme : face à un risque global comme
le réchauffement climatique, le cadre des Étatsnations qui structurait les relations internationales
depuis la première modernité européenne (traités de Westphalie, 1648) est devenu caduc.
Il est nécessaire de mener la coopération à un niveau supérieur, d’échelle
intergouvernementale, tout en associant une multitude d’acteurs locaux, d’où le slogan Think
Global, Act Local adopté dès Rio en 1992. Depuis cette même année, la
convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dont le secrétariat est à Bonn, en
Allemagne, offre un cadre souple, ne fixant que des obligations très générales et non
contraignantes. Elle est complétée par des protocoles additionnels qui précisent des objectifs
chiffrés et des modalités de réalisation : 1o stabilisation des émissions de GES ;
2o inventaire (ou reporting) annuel ; 3o responsabilités communes mais
différenciées, avec des pays industrialisés soumis à objectifs chiffrés, mais non
les pays en développement ; 4o aide des pays industrialisés vers les pays en développement ; 5o
institution des COP annuelles, qui permettent des négociations continues.
Depuis la première réunion, à Berlin, en 1995, les COP sont des moments essentiels pour
organiser la négociation internationale, malgré les lourdeurs et les lenteurs inhérentes au
processus, qui donnent à beaucoup l’impression de faire du sur-place. Mais ce processus est
validé en théorie : par des rencontres fréquentes, les négociateurs apprennent peu
à peu à connaître leurs intérêts et préférences mutuels, ainsi que
leurs stratégies respectives. Le climat de confiance qui se crée entre partenaires revêt une
importance qui ne se mesure pas uniquement dans le domaine climatique mais profite aussi à la gouvernance
mondiale dans son ensemble.
Ainsi, le témoignage de Laurent Fabius, négociateur de la COP21 à Paris en 2015 :« Les COP
sont faites pour placer chaque gouvernement, chaque acteur devant ses responsabilités, face à
l’opinion mondiale et dans la durée. […] Elles doivent maintenant davantage viser à
évaluer les résultats, à fixer les ambitions à court, moyen et long termes, et à
coordonner les actions de tous les partenaires, à la fois publics et privés. Ce faisant, elles tracent
la voie pour une forme nouvelle de multilatéralisme, à la fois universel, transparent, inclusif et
ouvert, où coexistent obligations mondiales, engagements de chaque État et adhésion des
sociétés civiles 2. »
À cet égard, la COP3 de Kyoto, en 1997, aura été décisive, avec l’adoption
d’un premier protocole par 184 pays et un traité expérimental qui doit servir de
référence, avec des normes communes. L’accord de Paris de 2015, signé par 193 pays, en
est l’héritier direct : il incarne le sursaut du multilatéralisme mondial, avec un objectif de
limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C au XXIe siècle. Les COP suivantes sont plus
techniques, avec pour objectifs de fixer les modalités concrètes de réalisation de
l’accord de Paris ainsi que les dispositifs d’aide aux pays les plus vulnérables.
De COP en COP
Après la signature du protocole de Kyoto, les COP suivantes sont consacrées à sa mise en œuvre : COP6 de La
Haye (2000), marquée par les désaccords entre États-Unis et Union européenne, COP7 de Marrakech (2001), qui
permet de débloquer la situation et de fixer les modalités d’application. Kyoto entre en vigueur à partir de
2005 (COP11 à Montréal), avec une réduction moyenne de 5,2 % des émissions de GES sur 2008-2012 par rapport
à 1990 (mais une exemption pour les pays en développement), ainsi que des mécanismes flexibles de mise en
œuvre : marché carbone avec permis négociables, mécanismes de « développement propre » pour les pays du Sud
et de « mise en œuvre conjointe » pour les pays de l’Est passant aussi par le marché.
Les négociations de l’après-Kyoto débutent à Montréal en 2005. Elles sont marquées par des difficultés
majeures : échec de Copenhague en 2009 (COP15), avec aucun engagement chiffré, puis échec de Durban en 2011,
qui reporte à 2015 un accord global. L’accord de Paris (COP21, 2015) est accouché au forceps, avec un
objectif de 2 °C et, si possible, de 1,5 °C, ainsi que deux nouveautés principales dans la méthode, afin de
le rendre « universel » : on part des engagements nationaux (INDC : intended nationally-determined
contributions) pour bâtir un accord d’ensemble (bottom-up et non plus top-down) ; le
principe de « capacité » remplace celui de « responsabilité », avec des déclarations volontaires et aucun
principe contraignant (mais la nécessité de revoir les INDC tous les cinq ans). Le principe d’un fonds vert
de 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement est entériné.
De Paris à Charm el-Cheikh (2015-2022), il n’y a pas d’intensification de la lutte contre le réchauffement
climatique ni de consensus sur la baisse de l’utilisation des énergies fossiles, mais la création d’un fonds
pour aider les États victimes du réchauffement climatique, dont les modalités de financement restent
toutefois à préciser (à la COP de Dubaï en 2023).
Des stratégies carbone de plus en plus volontaristes
Partant, tous les États du monde commencent à légiférer sur la question du carbone,
mettant en œuvre conjointement des politiques d’atténuation et d’adaptation. À
terme, on arrivera à une redéfinition des modèles de production dans le cadre de la transition
écologique et énergétique 3. Dans ce domaine, l’UE cherche à incarner un
modèle pour le monde et, ainsi, jouer d’un softpower climatique : paquet énergie-climat
2030 et pacte vert pour l’Europe (2019) pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050,
en mobilisant tous les instruments dont elle dispose : politiques agricole, commerciale, fiscale, technologique et
scientifique, régionale.
- D’abord des politiques d’atténuation, avec la volonté de corriger les imperfections
de marché, celui-ci s’étant révélé incapable jusqu’alors de fixer un
prix du carbone suffisamment élevé. D’où l’utilisation de trois grands types
d’instruments, séparément ou conjointement : le marché carbone (selon une logique cap
and trade), comme aux États-Unis, dans l’Union européenne, en Chine (depuis 2021) ; le
recours au marché est possible mais à la triple condition que les droits de propriété
soient bien définis, le coût de transaction, minimal, et les acteurs, rationnels. Le deuxième
type d’intervention est la réglementation et la fiscalité, selon une logique command and
control, recourant à des taxes carbone et à des plafonds d’émission.
C’est le choix récent de l’UE, alors que 15 % de l’empreinte carbone est importée
dans l’UE, et même 40 % en France ! Près d’une cinquantaine de pays dans le monde ont
adopté une taxe carbone, ce qui demeure toutefois insuffisant. Le troisième type d’instrument,
ce sont les incitations par les labels de qualité et les subventions publiques : isolation des
bâtiments, meilleure efficacité énergétique, stockage du carbone industriel,
biocarburants.
- Ensuite, des politiques d’adaptation : des plans de lutte contre la canicule (France, 2003), de
prévention contre les incendies, la sécheresse (gestion de l’eau par systèmes
électroniques en Espagne) et les catastrophes naturelles, mais aussi des efforts d’adaptation
nécessaires par secteur économique : agriculture, énergie, tourisme. L’écologie
constitue, à n’en pas douter, une nouvelle frontière pour les entreprises, avec l’essor
rapide des énergies vertes, de la finance verte, de l’économie circulaire et du recyclage. Le
rapport Stern en 2006 avançait le chiffre de 500 milliards de dollars consacrés aux seules
énergies vertes d’ici à 2050 4.
De ce point de vue, la Chine offre un exemple saisissant de conversion rapide à la géopolitique (et
à la géoéconomie) du carbone. Première émettrice au monde, avec près de 30
% du total, la Chine est demeurée dans une abstention prudente jusqu’au tournant des années
2010. C’est à Copenhague, en 2009, qu’elle apparaît comme une puissance majeure dans la
mondialisation économique et dans la gouvernance climatique, en première ligne des
négociations. Elle s’avère ainsi décisive dans la négociation des COP
(échec de Copenhague, réussite de Durban). Elle joue aussi un rôle très important au sein
du GIEC. Comme les États-Unis, elle ne voulait pas, au départ, d’un traité contraignant,
mais s’est finalement ralliée à l’idée d’un grand accord volontaire et
inclusif. Tout en annonçant qu’elle ne réduirait pas ses émissions de carbone d’ici
à 2030, elle s’est engagée à diminuer l’intensité carbone de son
économie avant d’atteindre la neutralité carbone en 2060. La réduction drastique des
émissions de CO du secteur énergétique sera l’élément crucial, mais pas le
seul. Afin d’accélérer la décarbonation du secteur énergétique, le pays a
lancé un système national de marché de quotas d’émissions de carbone en
février 2021, et l’État intervient de façon autoritaire pour réaliser ses
objectifs (coupures à répétition dans les provinces récalcitrantes). Les entreprises
font le reste, avec un leadership mondial sur la fabrication des panneaux solaires, par exemple.
De la paix à la guerre écologique…
La géopolitique du carbone est marquée par une mobilisation croissante de la société
civile : des scientifiques et des experts (GIEC), des partis et des associations écologistes ou citoyennes
(Greenpeace, Réseau Action Climat), des mouvements sociaux inédits, par exemple des marches pour le
climat depuis 2014 (300 000 personnes à New York), la mobilisation de la jeunesse derrière la figure
de l’activiste suédoise Greta Thunberg. De quoi montrer l’importance des acteurs non
étatiques comme moteurs des relations internationales. Certains font de la défense de
l’environnement un nouveau combat contre des États jugés inactifs, voire complices des lobbys
anticlimat. En témoigne l’Affaire du siècle, en France : après une action collective de
quatre associations écologistes (Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire
à tous et Oxfam France), le tribunal administratif de Paris a condamné l’État pour
inaction écologique et lui a enjoint de réparer les dommages écologiques causés par
cette inaction (2021).
Si l’impératif carbone change les relations internationales dans la paix, il les transforme aussi sous
l’angle de la guerre. On connaissait la notion de guerre économique, habituelle en temps de guerre
mondiale, mais inédite en temps de paix, comme depuis les années 1990, avec la pratique des
représailles commerciales, gels et embargos comme substituts à la guerre, afin de faire plier
l’ennemi. Il s’agit, en une formule, de faire de l’économie à la fois une source, un
enjeu et une arène de la puissance pour les grands États, dans un contexte où les affrontements
militaires directs tendent à se raréfier. La guerre écologique en serait un prolongement, comme
en témoigne le contexte de guerre en Ukraine, où l’Europe, voulant associer souveraineté
et sobriété énergétiques, cherche à desserrer sa dépendance
vis-à-vis de la Russie. Ainsi, en complément des six trains de sanctions successifs utilisés
contre la Russie de Poutine, la sobriété énergétique doit permettre de « faire
d’une pierre deux coups en alignant l’impératif de coercition à l’égard du
régime russe et l’impératif de réduction des émissions de gaz à effet de
serre 5 ». Bref, une variante, et un prolongement, de l’économie de guerre. C’est une
rupture historique : en effet, l’Europe s’est longtemps accommodée d’une situation de
dépendance énergétique, que ce soit à l’égard des États-Unis, du
Moyen-Orient ou de la Russie, dans la mesure où cela allait de pair avec une orientation vers des
activités à plus haute valeur ajoutée, et où l’horizon de la paix et de la
stabilité géopolitique atténuait les impératifs dits stratégiques.
L’écologie de guerre permet plus largement de mettre la pression sur les derniers régimes
récalcitrants et « climatosceptiques » par l’intermédiaire des cycles de
négociations : l’Australie, l’Arabie saoudite, la Turquie, le Brésil. Le
développement des mesures climatiques coercitives (commerce, tarification du carbone, aide au
développement), de la finance verte et des possibles boycotts mettent ces pays peu à peu au pied du
mur et les conduisent à faire évoluer leur législation.
En conclusion, le réchauffement climatique constitue un processus irréversible qui génère
des risques démultipliés, nécessitant une action collective et une coopération
internationale. La géopolitique du carbone est ainsi devenue, en trente ans (1992-2022), une arène
majeure dans laquelle interagissent de multiples acteurs, non seulement des États, mais aussi des membres de
la société civile, impliquant un emboîtement des échelles, du local au global, et
inversement. Cette géopolitique a commencé à faire revivre un multilatéralisme moribond,
car elle a fait émerger la conscience partagée que le système Terre est en danger et que
personne ne sera épargné. Il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir, notamment sur la
question des énergies fossiles, dont notre civilisation industrielle est fortement dépendante.
- Au-delà du seul sujet de la décarbonation, sur ces thèmes, voir Cédric Tellenne,
Géopolitique des énergies, La Découverte, « Repères », 2021.
- Laurent Fabius, « De l’utilité des COP pour répondre à l’urgence
climatique », GREEN, no1, 2021.
https://geopolitique.eu/articles/de-lutilite-des-cop-pour-repondre-a-lurgence-climatique/.
- François Gemenne, Géopolitique du climat, Armand Colin, 2021 (3e édition).
- Premier rapport sur les enjeux climatiques signé par un économiste, ce document a fait date.
The Review on the Economics of Climate Change (publié fin 2006) a été
réalisé par une équipe ad hoc d’une vingtaine de spécialistes,
climatologues et économistes, travaillant sous l’impulsion de sir Nicholas Stern, ancien
économiste en chef de la Banque mondiale.
www.lse.ac.uk/granthaminstitute/publication/the-economics-of-climate-change-the-stern-review/.
- Voir le dossier « Écologie de guerre : un nouveau paradigme ? », GREEN, no2,
2022. https://geopolitique.eu/numeros/ecologie-de-guerre-un-nouveau-paradigme/.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2023-3/geopolitique-du-carbone-les-etats-face-a-la-decarbonation.html?item_id=7841
© Constructif
Imprimer
Envoyer par mail
Réagir à l'article