Le totalitarisme vert, une réelle menace
Sommé de se décarboner, le monde se soumet progressivement au joug d’une idéologie verte confinant au totalitarisme. Sous couvert d’ambitions grandioses en faveur de la nature, c’est la nature même de l’humanité qui est mise en cause. En France, les traits d’une tyrannie écologiste encadrent toujours plus étroitement les discours publics, le droit et notre vie quotidienne.
« Totalitarisme vert », « dictature verte », « Khmers verts », «
écototalitarisme ». Estocade de conservateurs aux abois ? Venin d’adversaires politiques ?
Paresse d’intellectuels ? Je dois avouer que, moi-même, je nourris les plus vives préventions
à l’endroit des analogies historiques et de ces étiquettes prestement accolées afin de
mieux se débarrasser de l’inédit du temps présent. Il est difficile toutefois de ne pas
admettre que l’atmosphère se fait chaque jour plus asphyxiante, terrorisante et menaçante.
À chaque jour, son nouveau tour d’écrou. Mais examinons la chose 1
.
À quoi reconnaît-on un régime, en tout cas une pente totalitaire ? Quels sont les traits qui
apparentent le monde rêvé, et parfois établi, des écologistes à un gouvernement
autoritaire ? Précisons que par écologistes, nous entendons l’écologie telle
qu’elle s’incarne dans Europe Écologie-Les Verts et leurs satellites socialistes, mais plus
largement dans l’ensemble des assourdissants « éveillés du climat », qui
prétendent faire de la nature, des bêtes, du climat, leur cause suprême (avec celle, certes, des
« minorités » et de la « diversité »).
La terreur que fait régner l’écologie actuellement tient à ce que ses élus, ses
militants, ses activistes, ses sympathisants pactisent avec l’idée d’un monde à refaire.
Confondant le volontarisme – qui est une vertu politique – avec le constructivisme, rabattant
l’action sur la fabrication, ils s’enivrent de table rase. Leur objet, l’objet de leur activisme,
n’est pas la nature, celle-ci n’est qu’un alibi, mais la culture, la civilisation dont nous
héritons et, d’abord, l’homme occidental, cause de tous les maux. Là est
l’inspiration profonde du militantisme écologiste.
L’idéologie au pouvoir
La bascule vers le totalitarisme se produit dès lors qu’il ne s’agit plus de poursuivre des fins
précises mais d’adhérer à un grand récit censé expliquer les raisons du mal
que l’on entend réparer, de faire entrer le réel compliqué dans une vaste et morne
intrigue, et ce quelles que soient les résistances, les nuances sacrifiées. L’écologie du
XIXe siècle, qui procédait de l’observation des conséquences d’une modernité
technicienne encline à s’affranchir de toute limite et faisant bientôt de la triade «
efficacité, rentabilité, fonctionnalité » sa devise, vire à
l’idéologie dans les années 1970. Il ne s’est plus tant agi alors, ou pas seulement, de
nommer, d’alerter et de chercher à corriger les failles d’un système que de
débusquer les coupables. L’écologie est gagnée par un esprit martial. J’accuse ! Et
ce qui venait légitimement inquiéter le modèle productiviste se mue en grande machine
à instruire un procès.
On commence par incriminer l’homme moderne, l’homme de la révolution industrielle, mais
bientôt le propos se fait plus général et c’est l’homme et ses activités en
tant que tels qui se trouvent inculpés. Le sort, funeste, de la Terre aurait été scellé
avec la sédentarisation de l’humanité, dès le Néolithique. Un mot est forgé
: « anthropocène ». De neutre qu’il était initialement – l’homme
transforme le donné naturel – il devient accusatoire. « Tout est bien sortant des mains de
l’auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme »,
écrivait Rousseau. Tel est le refrain à partir de la fin des années 1980, pour devenir
totalement assourdissant aujourd’hui. L’idéologisation va crescendo. Et,
aujourd’hui, le coupable n’est plus l’homme, ou secondairement, mais l’homme occidental,
où homme est à entendre au sens sexué de mâle.
Les femmes, les homosexuels et autres « minorités » sexuelles, les Noirs, les musulmans, la
nature, c’est-à-dire la faune et la flore, les bêtes et la Terre : tous subissent la domination
de l’homme blanc. L’écologie fait en effet cause commune avec toutes les branches du wokisme,
ratifiant le grand récit intersectionnel, l’indigente et morne intrigue d’un homme qui
n’aurait d’autre passion que d’asservir tout ce qui n’est pas à son image.
On date généralement l’émergence de l’écologie politique, en France, de la
candidature de René Dumont aux élections présidentielles de 1974. Le ton était
déjà comminatoire. Dès les années 1970, la possibilité d’une
écologie constructive se retire. La cause de la nature fut alors préemptée par la gauche, et la
droite la lui abandonna. Il est tout à fait significatif que l’on ait oublié que le premier
ministère de l’Environnement a été institué par Georges Pompidou, en 1971, comme
est méconnu le discours, puissant et non idéologique, qu’il prononça en 1970 à
Chicago intitulé « La Crise des civilisations 2
».
L’écologie a gagné la partie. Elle occupe et doit occuper les esprits sans répit.
L’irruption sur la scène mondiale de la jeune Greta Thunberg, cette adolescente venant,
l’œil noir, sermonner les adultes pour « inaction climatique », marque assurément un
tournant.
L’inclination totalitaire se signale par le fait que la totalité de notre existence se trouve
rapportée à une question exclusive. La maison brûle, est réputée brûler, et
nous sommes sommés de ne jamais plus regarder ailleurs. « Tout est politique », disait-on hier.
« Tout est écologique », professe-t-on aujourd’hui.
L’écologie, une tyrannie domestique
Au nom de l’écologie, une des conquêtes les plus précieuses de la civilisation, la
frontière qui sépare la vie privée de la vie publique, se voit volontiers bafouée.
Jamais un pouvoir n’a trouvé dans la cause qu’il prétendait servir une telle justification
à son immixtion dans chacun des recoins de nos vies. Les gestes les plus quotidiens et personnels deviennent
affaire commune et publique. Le moindre comportement, la moindre conduite, le moindre choix se fait test de
moralité. L’écologie représente la tyrannie domestique par excellence.
« Chaque geste compte », nous avertissait, à la rentrée 2022, la ministre de la Transition
énergétique, Agnès Pannier-Runacher, alors qu’elle annonçait le lancement
d’une campagne de communication portant sur les « écogestes », dont l’objet
était de « faire connaître aux Français les gestes les plus efficaces pour réduire
leur consommation ». Depuis la toilette (douche ou bain, dentifrice, savon, shampooings solides),
l’éclairage, la machine à laver (à telle heure et non à telle autre, la nuit et fi
du voisinage !), l’assiette (nature des aliments, emballage ou vrac, barbecue) et, last but not
least, la poubelle (le tri sélectif).
Indice éclatant de la mascarade contemporaine, jamais on ne nous aura tant exhortés à la
responsabilité et jamais on ne nous aura maintenus dans un tel état de minorité.
Rien ou presque n’est obligatoire, en apparence et pour le moment. Mais gare à qui a l’audace de
persévérer dans des pratiques ancestrales. Dégradation morale assurée ! À quand
des assiettes connectées mouchardant leur contenu à qui de droit, à votre assurance, au
ministère de la Transition énergétique, à la sécurité sociale ? À
quand l’instauration de tribunaux devant lesquels comparaîtra pour complicité d’«
écocide » l’amateur de charcuterie ?
Trait caractéristique des régimes totalitaires, auquel la Terreur de 1793 donna l’accord premier
: la passion des prétoires, des tribunaux de l’Inquisition. Un prurit justicier, et judiciaire, corrode
l’écologie. Faire comparaître les États, et singulièrement la France, les pouvoirs
publics, les entreprises devant le tribunal de la nature constitue la raison d’être de nombreuses
associations. Il s’agit d’allonger à l’infini la liste non seulement des interdits, mais
des fautes.
Pour l’avènement d’un homme nouveau
Les familles de l’écologie sont multiples, mais elles s’accordent sur un point : le monde tel que
nous le connaissons n’a pas d’avenir, et il ne doit pas en avoir. L’homme ne ressemblera en rien,
ne devra ressembler en rien, à celui que nous avons connu jusqu’à aujourd’hui.
L’homme réinventé, régénéré, « reconstruit » ne sera
plus carnivore, il ne chassera plus, il ne pêchera plus, il ne goûtera plus les joies du cirque ni du
zoo, il ne frissonnera plus au spectacle des corridas. Cet homme, il reste à le faire advenir.
Les écologistes officiels se regardent et se présentent dès lors comme des chargés de
mission, mandatés par la Planète afin d’assurer son salut. Avant-garde éclairée,
il leur appartiendrait de conduire les masses, de les « régénérer », comme on
disait en 1793 et comme on ne dit plus aujourd’hui. La barbarie se faisant douce, on préférera
se donner pour impératif de « changer les mentalités et les comportements ».
Mais c’est la chose sans le mot ou avec un mot particulier qui, soigneusement, habilement, dissimule la chose :
les techniques du nudge font ainsi fureur auprès des mairies écologistes et du
ministère de la Transition écologique. Le nudge, qu’on traduit par l’inoffensif
« coup de pouce », est une méthode d’incitation qui ne relève ni de la
récompense ni de la punition mais joue, afin d’obtenir de chacun de nous des changements de
comportements, sur ce que les spécialistes appellent les leviers psychologiques des individus. Le lavage de
cerveau dispose désormais d’un arsenal de techniques redoutables. En comparaison, les
procédés de propagande et de manipulation des esprits des totalitarismes du siècle passé
sont de l’artisanat. Et s’il ne s’agit que de recommandation, d’incitation à faire
tel ou tel geste, consommer tel aliment plutôt que tel autre, gare toutefois à celui qui a la hardiesse
de persévérer dans ses habitudes et de pérenniser des pratiques ancestrales. Ainsi de la
chasse, de la corrida. Dégradation morale garantie !
Relisons Hannah Arendt : « Le totalitarisme, analysait l’auteur des Origines du totalitarisme
(1951), ne se satisfait jamais de gouverner par des moyens extérieurs […] ; grâce à son
idéologie particulière et au rôle assigné à celle-ci dans l’appareil de
contrainte, le totalitarisme a découvert un moyen de dominer et de terroriser les êtres humains de
l’intérieur. »
L’ingénierie sociale et anthropologique
Les écologistes, et nous les voyons en acte dans chacune des villes dont ils sont devenus les princes, se
focalisent sur la fabrication – trait majeur, identifié par Hannah Arendt, du totalitarisme. Les villes
et leurs habitants ne leur sont que de la matière à façonner selon leur idée du meilleur
des mondes possibles. Les « changer », les « réinventer », et ce tous sur le
même modèle, est leur obsession. Partout le rabot rabote : langue et écriture inclusive, «
végétalisation », bannissement des voitures, promotion du vélo et de la trottinette
– cette grande innovation de l’écologie, puissant témoin de son infantilisme –,
budget genré et crèche dégenrée, etc. L’uniformisation est l’avenir
d’un monde repeint aux couleurs de l’écologie.
Nous devons à Hannah Arendt d’avoir montré comment, à partir du XIXe siècle, dans
le sillage de la Révolution française, la politique s’est laissé fasciner par les
processus, les marches en avant, le changement, prestige que devait traduire et concentrer la notion de
progrès. Significativement, le cinquième livre des Contemplations de Victor Hugo trompette
« En marche » ! Obéissant à cette injonction, la politique se détourne des fins
précises et circonscrites, du particulier, du concret, pour embrasser de vastes horizons. La politique cesse
d’être modeste. Elle réclame des causes, des grandes causes, des horizons lointains. Fascination
pour le mouvement qu’Arendt comptait parmi les éléments qui avaient cristallisé sous la
forme du totalitarisme. Les acteurs de ce processus n’ont plus à répondre de leurs actes ici et
maintenant. La fin qu’ils poursuivent tient lieu de justification des moyens, quels qu’ils soient.
La carte routière des pensées et des opinions
Il est un mot pour faire taire les oppositions, subjuguer toutes les objections, parer aux discussions : «
état d’urgence climatique », qui, comme tout état d’urgence, dit état
d’exception, et donne toute latitude de s’affranchir des règles et principes coutumiers au nom
d’un intérêt supérieur.
Une nouvelle étape fut franchie avec la signature par des journalistes et des rédactions d’une
Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence climatique. Les médias s’engageant
à se faire les adjuvants d’une vision apocalyptique du monde qui nous attend, si nous
n’agissons pas. Terminées, promettent-ils, les images joyeuses du soleil et des
températures plus que clémentes en hiver !
Le sommet fut sans doute atteint avec le manifeste intitulé « Le Tournant »,
présenté à la fin de l’été 2022 par la présidente de Radio France,
Sibyle Veil, décrétant la mobilisation sans failles de l’ensemble des chaînes de son
groupe, pouvant ainsi prétendre au titre de « média de service public écologiquement
responsable ». Redoutable Table de la loi verte 3
. Chacun des articles appellerait un commentaire.
Arrêtons-nous au premier, proclamant, sans le moindre tremblement, qu’en ce domaine, il est des
questions qui ne seront plus jamais soumises à discussion : « Nous nous tenons résolument du
côté de la science, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son
origine humaine. Elle est un fait scientifique établi, pas une opinion parmi d’autres. »
Sortir du champ du débat la crise climatique ! Que nous dit ici Sibyle Veil, sinon que ça ne
se discute pas, ne se nuance pas, ne se complexifie pas ? Qu’inscrit-elle au fronton de la Maison ronde ? Que
nul n’entre ici s’il ne ratifie pas le dogme. Nous sortons de la science, de la raison pour entrer dans
l’orthodoxie. C’est non seulement nier que les scientifiques eux-mêmes sont divisés sur ce
sujet (ampleur de la responsabilité humaine par exemple), mais oublier aussi ce que Stuart Mill a si bien
exposé, qu’une vérité soustraite à la discussion est une vérité
exsangue.
Assez badiné !
Trait essentiel, enfin, des régimes totalitaires, spécialement prononcé aujourd’hui, le
congé donné à l’humour, à la plaisanterie dès lors que l’on touche
aux questions écologistes. L’entraîneur du PSG, Christophe Galtier, et le joueur de football
Kylian Mbappé sont payés pour le savoir. Interrogé sur leur déplacement en avion
privé, l’un eut la hardiesse de répondre : « La prochaine fois, on ira en char à
voile ! », et l’autre, d’éclater de rire.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2023-3/le-totalitarisme-vert-une-reelle-menace.html?item_id=7852
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