Nicolas PRUDHOMME

Directeur de la maîtrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales à l’Union sociale pour l’habitat (USH).

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L’habitat, ses labellisations et ses certifications

Bâtiment et habitat font l’objet d’une multitude de diagnostics, labels et référentiels. L’ensemble vise à assurer la qualité. Les démarches, dont la portée, les méthodes et les ambitions sont variées, se déploient. Elles se développent, en ce qui concerne la certification normative, surtout dans la construction neuve. Elles revêtent de nombreuses dimensions, dans le domaine de la labellisation thématique.

En Europe, les activités du bâtiment – et a fortiori celles du logement – ont un impact important sur notre vie quotidienne. En consommant près de 50 % des ressources naturelles, en produisant 35 % des émissions de gaz à effet de serre ou en concentrant 70 % de la consommation d’eau, ces activités façonnent notre quotidien, que l’on apprécie d’un œil toujours plus exigeant. Ces statistiques dépassent le simple acte de construire – il est important de l’expliciter – et comprennent les conséquences de l’activité humaine, c’est-à-dire de l’exploitation qui est faite de ces bâtiments, en termes de chauffage, d’eau potable et sanitaire, d’énergie domestique. Ces conséquences peuvent être néanmoins modulées – parfois fortement – par la qualité intrinsèque des bâtiments et logements occupés. Être responsable du futur consiste donc à chercher l’efficience durable de notre cadre de vie, c’est-à-dire l’optimisation ultime d’une performance sociétale, environnementale et économique plutôt qu’à brider, maladroitement, l’exercice de la vie. Notre immobilier, nos logements, en tant que cadre de « la vie », méritent donc que l’on cherche à les qualifier au mieux, à les optimiser et, si nécessaire, à les transformer.

Dans la construction ou la réhabilitation – nous allons ici nous intéresser principalement au logement – il est nécessaire, d’une part, de valoriser les pratiques les plus efficientes, reconnues par les professionnels de la filière, en adéquation avec le cap politique et les engagements environnementaux, et, d’autre part, de stimuler l’innovation et la massification des solutions, sous contrainte d’acceptabilité économique.

Le premier niveau : le diagnostic

Pour l’acquéreur, les diagnostics immobiliers sont censés donner des garanties quant à la salubrité du bien acquis. Ils sont devenus obligatoires pour un certain nombre de facteurs de risques comme le plomb, l’amiante, les termites, la performance énergétique, la conformité des installations de gaz et d’électricité. Ces diagnostics ont le mérite d’établir un bilan sur des thématiques essentielles, à faible coût. Ils présentent le défaut de ne pouvoir être que superficiels. Ils ne garantissent pas totalement du vice caché. L’opposabilité de la qualité de ces diagnostics, comme récemment celui des diagnostics de performance énergétique (DPE), apporte un peu plus de crédibilité à ces dispositifs, qui ne sauraient s’appuyer sur des systèmes uniquement déclaratifs.

Les diagnostics, comme leur nom l’indique, ne restent cependant qu’un outil d’évaluation rapide, compréhensible de tous, mais bien insuffisant pour démontrer la qualité et la valeur d’un logement dans le monde professionnel.

Garantir la qualité intrinsèque, un enjeu majeur

Ce besoin de garantie d’efficience a amené la profession à construire des « référentiels », dans l’héritage antique de ces « traités » qui rassemblaient les savoir-faire pour en assurer la capitalisation et la transmission. Ces référentiels prennent des formes variées en fonction des objectifs recherchés et des commanditaires ou des bénéficiaires – officiels ou officieux.

Dans tous les domaines – industriels, services, processus – la construction d’un référentiel de qualité s’organise par l’agrégation de normes françaises, européennes ou internationales, et de spécifications complémentaires concernant le produit ou le service, issues notamment de guides de bonnes pratiques. Pour sa crédibilité, ce travail se conduit en concertation avec tous les acteurs concernés : industriels ou prestataires de services, organisations professionnelles, consommateurs, pouvoirs publics. Pour s’assurer de la bonne conformité au référentiel du produit délivré, mais aussi potentiellement du service ou du processus, un organisme délivre au bénéficiaire une assurance écrite, sous forme d’un certificat, au cours de l’action de « certification ». Par abus ou raccourci de langage, nous parlons donc régulièrement de certification pour évoquer en réalité la conformité à un référentiel, confondant ainsi la procédure de certification et le produit, c’est-à-dire la conformité au référentiel.

Le cadre de la démarche de certification est, en France, précisément encadré par le Code de la consommation, ce qui lui donne par ailleurs toute sa crédibilité. Les organismes certificateurs, qui attestent de la maîtrise des techniques homologuées, sont donc des tiers, indépendants, qui disposent eux-mêmes d’une accréditation délivrée par le Comité français d’accréditation (Cofrac). Le certificateur est ainsi lui-même contrôlé dans ses pratiques par un organisme tiers de l’État, attestant de sa compétence, de son impartialité et de son indépendance.

En France, le logement ou plutôt « l’habitat », en tant que produit complexe, a vu ainsi se développer plusieurs initiatives de création de référentiels parallèles ou concurrents. Depuis septembre 2015, pour simplifier et clarifier les démarches, le référentiel NF habitat 1, décliné également en NF habitat HQE, s’est substitué à la multiplicité de certifications de référentiel existantes (NF logement, Qualitel, Habitat & environnement, Patrimoine habitat), portées par Cerqual Qualitel certification.

Bien logiquement, ce référentiel embrasse large. Il aborde tous les aspects de l’habitat, en termes de qualité de vie, de performance économique et de respect de l’environnement. Les performances atteintes touchent des domaines variés comme la thermique, l’acoustique, la luminosité naturelle, la qualité de l’air intérieur, les fonctionnalités, la sécurité, le respect de l’environnement, la résilience, la connectivité. Le niveau de performance est renforcé dans la certification NF habitat HQE, avec des exigences complémentaires sur la gestion de l’énergie et de l’eau, le confort acoustique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’isolation et la ventilation optimales, la qualité sanitaire de l’air.

Le développement de la certification NF habitat est surtout marqué en construction neuve. Il reste plutôt faible en rénovation, où les enjeux sont pourtant très importants. En 2020, selon l’organisme certificateur Cerqual Qualitel certification, on comptait 141 402 logements engagés en certification NF habitat et NF habitat HQE, dont 127 795 logements collectifs. Des chiffres élevés, mais qui montrent que la démarche de certification n’est pas la norme.

Les labels, une approche thématique complémentaire ?

La certification NF habitat n’est pas le seul outil destiné à promouvoir la qualité du logement. Les « labels » 2, conçus également sur le modèle d’un référentiel, se sont particulièrement développés ces dernières années. Issus d’initiatives publiques ou privées, ils ont généralement un champ moindre que celui porté par la certification NF habitat. Ils sont plutôt centrés sur une thématique spécifique, parfois un territoire ou sur certaines pratiques. Ils sont parfois motivés par un coût moindre dans leur mise en œuvre. Dans les faits, structurellement, le label n’est pas en soi un gage de qualité. Il est simplement la garantie que le produit délivré possède certaines caractéristiques qui attestent de son mode de production ou de sa composition, ce qui potentiellement se traduit par une meilleure qualité.

La première différence entre la certification normative et le label peut venir des modalités de réalisation du référentiel. La norme, produite par un choix collectif, consensuel, approuvé par toutes les parties intéressées, est une donnée de référence publique, une base de langage commun, mise au service des différents agents économiques. L’élaboration du référentiel du label ne garantit pas de servir tous les intérêts concernés et n’offre pas l’assurance d’une concertation globale. Elle peut même, dans certains cas, ne servir que les intérêts propres à une filière.

La deuxième différence provient des modalités de délivrance – un processus de labellisation confondu, par abus de langage, avec une certification –, qui peuvent être hors du champ du Code de la consommation. En effet, le label, délivré par son propre auteur, peut souffrir d’une caution technique médiocre ou peu crédible, certaines labellisations ne consistant qu’à respecter une charte, sans contrôle par un tiers.

La notoriété du label sera donc un enjeu majeur pour son acceptation, sa reconnaissance et sa diffusion. Les labels les plus reconnus ont ainsi généralement pallié leurs faiblesses intrinsèques en s’inscrivant volontairement dans une procédure de labellisation identique à celle d’une certification, recourant à des organismes tiers accrédités. Doté d’un référentiel, d’une tierce partie indépendante et impartiale, accréditée par le Cofrac, et d’un comité technique réunissant toutes les parties prenantes, qui prend en compte les attentes des consommateurs et le métier des professionnels « sans prédominance d’intérêt », ces labels, par la qualité des procédures mises en place, sont alors quasi assimilables à une certification. Ils sont d’ailleurs souvent associés, en complément, à la certification NF habitat-NF habitat HQE.

Cependant d’autres auteurs de labels se sont inspirés de systèmes totalement différents, voire opposés à la logique de la certification normative. Les « systèmes de certification participatifs », apparus dans les années 1970 pour pallier l’absence de certification officielle dans certains domaines comme l’agriculture biologique, connaissent ainsi un développement sans précédent, mais restent principalement attachés à un territoire, une aire géographique, continuant ainsi à porter intrinsèquement leur nature d’origine. Dans ces systèmes de certification participatifs, la certification est élaborée par un réseau d’acteurs – producteurs et consommateurs – et reste basée sur la confiance et les échanges de connaissances. Les avantages de la certification participative permettent une déclinaison locale d’une approche qui serait peut-être trop standardisée à l’échelle nationale ou internationale. Elle facilite également l’adhésion de petits promoteurs, organismes sociaux, bailleurs, ne pouvant pas accéder économiquement à la certification par une tierce partie. Cependant, ces labels souffrent des faiblesses qui sont leurs forces : la discrétion confrontée à la notoriété reste une alchimie complexe.

Un avantage indéniable des labels est de pouvoir être cumulables, entre eux d’une part, mais aussi avec une certification d’autre part. Les meilleurs labels, conçus avec les mêmes exigences que la certification, sont d’ailleurs souvent associés, nous l’avons dit précédemment, à la certification NF habitat- NF habitat HQE. Cette logique permet de tirer pleinement parti de la force des labels et de leur effet focus, en synergie avec l’approche globale de la certification.

Labels et réglementation, un système en résonance

Le recours au label peut également être un gage d’anticipation des évolutions normatives, limitant les effets de l’obsolescence – technique ou réglementaire – sur le produit final. Alors que la norme sert de base d’action pour la solution de problèmes et d’usages communs et répétés, le label peut être le moyen de définir, par l’expérimentation, l’ébauche d’une réglementation. Là où la réglementation peut rendre une norme d’application volontaire obligatoire, elle va plutôt se nourrir du contenu des labels, ne pouvant y faire référence de la même façon. La mise aux normes réglementaires, a posteriori, d’un parc conséquent, peut, en effet, être effroyablement coûteuse, sur le plan économique mais aussi sur le plan environnemental ou en termes d’image.

Le label peut être également un moyen, pour le pouvoir régulateur, de subsister à la réglementation des attentes supérieures, toujours dans cette logique d’anticipation et d’avance de phase. En conditionnant l’obtention d’une subvention ou d’un financement, ou en facilitant une autorisation réglementaire, le label peut servir de cahier des charges normé super réglementaire. En favorisant la concentration des savoirs, des pratiques et de l’innovation, les labels les plus aboutis sont ainsi utilisés pour nourrir la réglementation future. Dans les années passées, l’adhésion conséquente au label Bâtiment basse consommation (BBC) a permis de poser les bases d’une réglementation thermique, la RT2012. Au même titre, le label d’État E + C, bien qu’insuffisamment exploité, a posé des bases pour la réglementation environnementale RE2020.

Les labels, en fixant des niveaux d’attente supérieurs à la réglementation, doivent cependant éviter un écueil de taille : la « surqualité ». Dicté par l’envie de bien faire et d’être exemplaire, se réfugier dans une logique du « toujours plus » peut faire oublier les raisons mêmes de l’existence d’un label, consistant à atteindre l’efficience, et non simplement à maximiser. Le recours aux labels doit donc toujours être évalué selon une lecture globale durable, c’est-à-dire en préservant les équilibres sociétaux, environnementaux et économiques. La performance n’est pas antinomique avec la sobriété, et comme nous le rappelle Antoine de Saint-Exupéry, « la perfection est atteinte non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer ».


  1. La marque NF est une marque collective de certification, propriété d’Afnor certification. Elle est associée à des référentiels de certification (au sens du Code de la consommation). La norme n’est pas d’usage obligatoire, sauf lorsque un décret en décide autrement.
  2. Pour les puristes, le mot label est également un abus de langage. Le Code de la consommation indique que seul le terme certification est approprié, le terme label n’étant utilisé que pour l’agro-alimentaire. Cependant, l’État emploie lui-même dans ses textes le mot label en dehors de ce champ précis.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2021-6/l-habitat-ses-labellisations-et-ses-certifications.html?item_id=5791
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