Députée LREM de la Haute-Garonne.
Transformer regards et politiques sur le grand âge
Il est temps d'agir avec force en matière de grand âge. Exemples étrangers, enseignements des expériences passées, résultats de la grande consultation auprès des Français. Tout concourt désormais à une dynamique ambitieuse, qu'une loi prochaine devrait incarner.
Il est enfin temps de réagir et de ne pas se laisser envahir par un certain fatalisme. Ce fatalisme consiste à laisser entendre que prendre de l'âge serait finalement presque systématiquement vécu comme un passage « physiologique », naturel et heureux quand on se réfère aux jeunes personnes qui ne sont pas arrivées jusque-là. La conséquence d'une telle petite musique serait de rendre, sans forcément en avoir conscience, les personnes âgées presque invisibles dans notre société. Réunies ailleurs, dans une autre sphère que celle des actifs, qu'on isole, qui s'isolent.
Il est temps de réagir collectivement. Et pour cela nous devons transformer, nous devons réformer. Transformer notre vision, qui n'est pas forcément celle d'autres pays européens. Certains d'entre eux, de ce point de vue, pourraient nous donner des leçons. Car, quelles que soient les options politiques, ils ont su transformer la nature des liens intergénérationnels, transformer l'offre et l'adapter au parcours des personnes âgées, en ajustant la prise en charge afin d'assurer un parcours de soins et de santé sans rupture.
Le temps de réagir et d'agir
Transformer l'offre de soins, c'est privilégier très tôt, sans attendre les premiers signes de perte d'autonomie, toutes les actions préventives, qu'elles soient collectives ou individuelles, pour vivre longtemps, oui, mais autonome et dans la dignité.
Il est temps de réagir. Non pas que rien n'ait été fait ces dernières années, mais cette préoccupation ancienne ne doit toutefois pas masquer l'évolution des priorités ni le caractère cyclique de l'investissement politique dans ce champ. Elle ne doit pas non plus nous amener à sous-évaluer la crise dans laquelle se trouvent les Ehpad actuellement. Ainsi, sans prétendre à l'exhaustivité, on peut constater que la construction de la politique du vieillissement s'est effectuée par étapes, peu nombreuses mais surtout aux résultats souvent ambivalents, peu lisibles par ceux qui devraient en bénéficier.
Il est temps d'agir. Reconnaître ceux que nous appelons les aidants, reconnaître les professionnels en contact quotidien avec les personnes hébergées, car ils sont souvent leurs seuls visiteurs. Il est temps que les politiques publiques ne se contentent plus d'hébergement, ou du nombre de places dans les établissements. Certes, dans certains cas, à première vue, des places pourraient être homologuées comme dans les hôtels étoilés. Mais l'ensemble reste éloigné, en vérité, des désirs des personnes. Celles-ci souhaitent d'abord un accompagnement bienveillant, presque affectueux, en tout cas généreux et qui demande donc de la disponibilité de ceux et celles qui les côtoient.
Il est temps d'agir. Pour réduire là aussi les inégalités et la fracture sociale qui se révèlent d'autant plus difficiles à supporter qu'elles ajoutent à la perte de dignité. Un grand nombre de personnes aujourd'hui ne peuvent plus honorer les dépenses imposées par une prise en charge insuffisante. La perte d'autonomie est donc un risque social que nous devons prévenir et prendre en charge. La Suède, le Danemark et l'Allemagne font mieux que nous en matière de recul de la perte d'autonomie.
Un nouveau modèle
Nous devons donc affronter la réalité démographique de la hausse du nombre de personnes potentiellement en perte d'autonomie. Mais nous devons revoir notre modèle, aujourd'hui à bout de souffle.
Nous devons valoriser l'accompagnement sous toutes ses formes. Il s'agit là du premier objectif à rechercher dans un nouveau modèle, qu'il soit à domicile ou en établissement. Fondamentalement, il convient de sortir du choix binaire entre établissement et domicile. Il nous faut repenser le modèle des Ehpad. Il nous faut revoir, avec lucidité et courage, le financement par une réduction significative du coût du séjour en établissement, en particulier pour les personnes aux revenus les plus modestes. Il faut assurer une garantie de soins et d'accompagnement, quel que soit l'établissement et son statut. Pour cela un cahier des charges, un pilotage et un financement public de la qualité seront nécessaires.
Une loi en 2019
Le président de la République a annoncé en mars 2018 une loi pour mieux prendre en compte et en charge le grand âge dans notre pays. Une large concertation, que j'appelais de mes voeux dans mon rapport de mars 2018 1 (proposition no 29 : « Ouvrir un débat national sur les nouvelles ressources du financement de la politique de l'autonomie des personnes âgées, en vue d'aboutir d'ici cinq ans »), a eu lieu. Elle s'est achevée au sortir de l'hiver. Avec 414 000 participants, 18 000 propositions postées par les Français ont fait l'objet de 1,7 million de votes. Cinq forums régionaux ont participé en métropole et dans les Drom.
Dix ateliers ont été mis en place sous la coordination de Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale et directeur de l'École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S).
Membre du conseil d'orientation de cette opération de grande envergure, j'ai pu me rendre compte de l'ampleur et du sérieux de cette consultation voulue par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. La loi sera présentée à l'automne. Nous aurons besoin de tous pour la mener à bien dans son application et son opérationnalité. Ce sera, si nous réussissons collectivement à l'appliquer, sans doute, une loi que nous pourrons qualifier de sociétale, au-delà de ses aspects financiers ou organisationnels. C'est mon souhait.
- Monique Iborra et Caroline Fiat, « Des réformes nécessaires pour construire l’Ehpad de demain », rapport d’information no 769, Assemblée nationale, mars 2018.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2019-7/transformer-regards-et-politiques-sur-le-grand-age.html?item_id=5700
© Constructif
Imprimer
Envoyer par mail
Réagir à l'article