Directeur de la compensation de la perte d'autonomie à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
L'habitat inclusif
Reposant sur de nouvelles formes d'habitat, issues d'initiatives locales, adaptées aux besoins et aspirations des personnes âgées, l'idée d'habitat inclusif se diffuse. Reconnus et soutenus par les pouvoirs publics, ces réalisations visent à assurer un chez-soi, entre les réponses en établissement et la résidence en entière autonomie. Nombre de projets ont fait la démonstration de la pertinence de l'habitat inclusif, dont l'offre croît. Reste à en stabiliser le modèle, sur le plan économique notamment.
De nouvelles formes d'habitat émergent. Elles partent de la volonté des personnes concernées par l'avancée en âge de choisir leur parcours résidentiel. L'habitat inclusif offre une solution alternative à l'hébergement en établissement et au logement totalement autonome, parfois source d'isolement. Ces projets doivent durablement s'inscrire dans la vie de la cité. Pour les personnes, il s'agit de réconcilier, dans le cadre d'un projet de vie sociale et partagée, le besoin de se sentir chez soi par un logement protecteur et l'accès à des services indispensables à leur vie quotidienne. Les pouvoirs publics soutiennent aujourd'hui fortement cette démarche originale par l'inscription de l'habitat inclusif dans la loi et par la création d'une aide financière appelée « forfait habitat inclusif ».
Toutefois, l'habitat inclusif n'est pas la solution à tous les besoins. Le développement de ce type de projet nécessite la stabilisation de son modèle et la mobilisation de tous : associations, acteurs du logement, professionnels du secteur social et médico-social, collectivités locales et services de l'État.
L'habit inclusif : plusieurs modèles
Depuis quelques années, pour faire face au risque de perte d'autonomie des personnes, de nouvelles formes d'habitat partagé ou d'habitat inclusif se sont développées en France, sous l'impulsion des associations ou des personnes concernées. Initialement, cette démarche part d'une volonté de construire, à droit constant, des réponses inclusives au coeur de la société. À distance de l'accueil en établissement (Ehpad, résidence en autonomie) et du logement en milieu ordinaire ou dans la famille, l'habitat inclusif se caractérise par trois éléments fondamentaux :
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le libre choix de la personne. Elle doit être associée au projet et choisir ce mode de vie qui s'inscrit en dehors de tout dispositif d'orientation sociale ou médico-sociale
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un lieu de vie ordinaire inscrit durablement dans la cité. Les personnes, citoyens à part entière, doivent pouvoir se déplacer et avoir un accès facile aux services et commerces de proximité
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un projet de vie sociale et partagée. Ce projet s'appuie sur un accompagnement dans la vie sociale et collective et la possibilité de recourir à une offre de services individualisés pour l'aide et la surveillance. La réussite du projet repose sur une mutualisation de services qui peut se réaliser notamment par la mise en commun de prestations individuelles.
Les types d'habitat inclusif peuvent varier selon les besoins et les souhaits exprimés par les occupants. Les modèles d'habitat peuvent prendre la forme de logements individuels regroupés ou disséminés (studios ou petits appartements de type T1 ou T2), constitués autour d'un espace commun ou d'un espace de vie individuel privatif au sein de logements partagés de type colocation.
Les modèles d'habitat inclusif peuvent se constituer sous forme de copropriétés ou sous forme locative (location, sous-location, colocation) dans le parc privé ou le parc social.
Il n'existe pas un modèle unique d'habitat inclusif. Parmi les initiatives très diverses destinées aux personnes âgées, on notera par exemple le projet d'habitat intergénérationnel du Cloître des capucins à Tours, les appartements regroupés Vivre aux vignes à Grenoble, les appartements partagés portés par l'association Ayyem Zamen à Paris ou encore les maisons Âges & Vie à Besançon.
Les projets se développent également dans le champ du handicap, par exemple le projet d'habitat inclusif pour des personnes autistes (Habited, dans le Nord) ou trisomiques (Down Up à Arras).
L'habitat inclusif comme expression de la citoyenneté des personnes âgées
Vieillir chez soi correspond à une volonté forte des personnes concernées et de leurs familles. Dans sa contribution de mars 2019 pour une loi d'orientation autonomie et grand âge, le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) affirme que la pleine et entière citoyenneté de la personne passe par « le droit à vivre chez soi quel que soit l'âge, la situation de santé ou de handicap, quel que soit le mode de vie, le lieu de vie, le niveau de vie. Le chez-soi détermine la capacité de la personne à vivre au coeur de la société ».
La question de l'habitat devient alors centrale pour les personnes en risque de fragilité. Avec l'avancée en âge se pose la question du maintien dans le logement « ordinaire ». Le désir d'un chez-soi ne signifie pas forcément rester dans le même habitat. Comme le précise le sociologue Alain Thalineau, le chez-soi se déplace selon les nécessités et les désirs d'épanouissement personnel pendant tout le cycle de vie 1.
La nécessité de construire de nouveaux « modes d'habiter » pour les personnes âgées est apparue ces dernières années dans le débat public. Une approche plus inclusive de la société passe par le développement d'une offre d'habitat intermédiaire pouvant mieux contribuer au bien-vieillir ou au bien-vivre des populations concernées.
Dans un rapport remis à la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie, Luc Broussy nous alertait dès 2013 sur la nécessité de s'interroger sur les différentes formes du domicile si l'on voulait permettre un véritable maintien à domicile des personnes âgées 2 : « Le domicile où bien vieillir n'est pas forcément celui où on a vécu la première partie de sa retraite. Peut-être faudra-t-il de plus en plus choisir son dernier domicile en fonction de la diminution programmée de son autonomie. Et qu'un choix pertinent, en amont, permettra justement peut-être d'éviter de perdre cette autonomie. [...] Nombreuses sont les solutions envisageables entre le domicile stricto sensu et l'Ehpad. »
Le choix de son chez-soi
Pour satisfaire cette demande croissante, de nombreux partenariats impliquant des bailleurs sociaux, des collectivités territoriales, des associations, des mutuelles ou encore des gestionnaires d'établissements et de services médico-sociaux se sont développés pour construire une offre nouvelle.
L'habitat inclusif se distingue des autres formes d'habitat intermédiaire (résidence autonomie, résidence services seniors) par la taille des projets et par la prise d'initiative. Il s'agit généralement de petits ensembles de logements indépendants associés à des espaces communs, qui permettent de combiner vie autonome et sécurisation de l'environnement. Ils réunissent des personnes souhaitant s'intégrer dans un projet de vie spécifique.
Les réalisations d'habitat inclusif sont diverses mais comportent trois dimensions communes : l'habitat, avec des logements regroupés adaptés aux besoins et à l'évolution de la dépendance l'accompagnement des personnes (accès aux services à domicile et accompagnement mutualisé) la solidarité et l'inclusion.
Pour Laurent Nowik 3, ce type d'habitat devrait pouvoir répondre à trois critères correspondant à trois objectifs : un logement fonctionnel et agréable pérennisant le sentiment du « chez-soi » un habitat facilitant l'accès aux services, sur place ou à proximité immédiate un lieu de vie affilié à un collectif visant à soutenir les relations sociales.
Les porteurs de projet d'habitat inclusif doivent concevoir des formes d'habitat très proches de l'idée que l'on se fait d'un domicile à soi, où les locataires définissent un mode de vivre-ensemble qui leur est propre. Les personnes doivent pouvoir choisir à la fois la forme du logement, son environnement proche et les personnes avec qui elles vont vivre.
Des projets ancrés dans leur territoire
On aurait tort de définir l'habitat inclusif uniquement comme l'émergence d'un nouveau segment d'une offre sociale ou médico-sociale participant, dans le cadre d'un virage inclusif, au processus de transformation de l'offre. C'est bien plus une démarche ayant pour terreau une double volonté : la volonté des personnes de choisir leur habitat en dehors de toute orientation sociale ou médico-sociale et la volonté de coopération des acteurs diversifiés à développer des projets d'initiative locale.
La prise en compte du territoire, non seulement comme lieu de mise en oeuvre mais aussi comme lieu d'élaboration, est une condition de réussite face à la complexité à faire émerger et pérenniser les projets.
Les premières innovations d'habitat portées par la société civile ont pu devenir des références pour d'autres territoires, collectivités et porteurs de projet. Par exemple, on peut souligner la volonté d'essaimage de projets dans le champ du vieillissement portée par le collectif Habiter autrement. Concernant les personnes handicapées, la réflexion commune conduite par l'Arche en France, l'APF-France handicap et la fédération Simon de Cyrène est remarquable pour construire un modèle qui n'oppose pas habitat inclusif et réponse institutionnelle.
De nombreux départements initient des appels à projets mobilisant plusieurs de leurs politiques départementales (logement, autonomie, action sociale). La direction de l'habitat et du logement du département d'Indre-et-Loire a, dès 2012, lancé un appel à projets pluriannuel sur « l'habitat du bien-vivre à domicile » pour accompagner les personnes âgées et les personnes en situation de handicap dans leur parcours résidentiel. Plus récemment, le schéma départemental des solidarités humaines 2018-2022 du conseil départemental du Nord s'est fixé comme orientation de « faire du logement et de l'habitat des leviers pour l'autonomie des personnes » en mobilisant un véritable écosystème reposant sur les compétences et les ressources disponibles sur les territoires. Il a également lancé en novembre 2018 un appel à projets de soutien au développement de solutions innovantes d'habitat inclusif.
Le portage de l'habitat inclusif par l'État
L'État a souhaité soutenir cette dynamique et faire de l'habitat inclusif une priorité nationale. Pour cela, il a créé un observatoire national de l'habitat inclusif chargé de conduire un programme de travail. Cet observatoire, réuni pour la première fois le 10 mai 2017, est coprésidé par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Fédérant l'ensemble des partenaires intéressés (associations, représentants des collectivités locales, institutionnels), il a pour mission de promouvoir le développement de formules d'habitat inclusif, grâce à la diffusion d'exemples pratiques ou à la construction et à la mise à disposition d'outils pour les porteurs de projet, notamment un guide d'aide au montage des projets. Il a également organisé une journée nationale de l'habitat inclusif, le 30 novembre 2017, réunissant plus de 200 acteurs.
L'inscription dans la loi de l'habitat inclusif
Le gouvernement a souhaité aller plus loin et sortir l'habitat inclusif du terrain de l'expérimentation et de l'initiative locale en le reconnaissant dans la loi.
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) apporte une définition de l'habitat inclusif. L'inscription dans la loi ne vise pas à enfermer ce mode d'habitat dans un segment restreint d'une offre. Le cahier des charges, prévu par la loi, a vocation à rester général afin de permettre la plus grande diversité possible d'habitats inclusifs. La définition législative vise principalement à distinguer l'habitat inclusif du champ des établissements et services médico-sociaux ou d'autres formes d'habitat intermédiaire.
Par ailleurs, un forfait pour l'habitat inclusif, financé par la CNSA, est créé afin de soutenir le projet de vie sociale et accompagnée de l'habitat inclusif. Il est doté pour 2019 d'une enveloppe de 15 millions d'euros, confiée aux agences régionales de santé (ARS). Le forfait pour l'habitat inclusif est rattaché à la personne, mais il est versé au profit de la personne morale chargée d'assurer le projet de vie sociale et partagée.
Enfin, la loi prévoit une extension de la compétence de la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte de l'autonomie en matière d'habitat inclusif. Cette dernière doit définir un programme annuel coordonné de financement de l'habitat inclusif sur son territoire.
Les principaux enjeux de cette offre nouvelle
La croissance d'une offre d'habitat inclusif n'est pas sans questionner si elle n'est pas maîtrisée et si elle ne s'inscrit pas dans une démarche de développement durable.
Plusieurs enjeux nous semblent ressortir :
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le choix d'un habitat inclusif n'est qu'une étape dans un parcours résidentiel qui permet de maintenir à domicile des personnes qui le souhaitent. Cette possibilité n'est pas forcément garantie tout au long du vieillissement de la personne ou en cas d'aggravation de ses pathologies. Il faut donc, dès l'origine du projet, imaginer les conditions de maintien dans le logement et de mobilité de la personne
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le modèle économique d'un habitat inclusif repose principalement sur le recours au forfait pour l'habitat inclusif, pour l'accompagnement au projet de vie sociale et partagée, sur les prestations individuelles des habitants et sur les ressources propres des personnes. Ce modèle reste très fragile et peut se trouver déstabilisé à chaque départ d'une personne. La mise en commun d'une partie des financements et des temps d'intervention est souvent nécessaire et doit être inscrite dans le projet collectif
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la réussite d'un habitat inclusif dépend également de l'offre d'accompagnement adaptée aux attentes et aux besoins des personnes disponible sur le territoire. Ces projets d'habitat doivent donc se concevoir dans un environnement ouvert et s'articuler avec l'offre sociale et médico-sociale existante
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la mobilisation des collectivités locales à toutes les étapes est la condition nécessaire pour un fort ancrage du projet dans son territoire. Cela peut revêtir des formes diverses : soutien à l'investissement, mise à disposition de moyens, implication du centre communal d'action sociale (CCAS).
La stabilisation du modèle économique et social de l'habitat inclusif passera par l'interaction constante entre l'initiative locale et les pouvoirs publics.
- Laurent Nowik et Alain Thalineau (dir.), Vieillir chez soi. Les nouvelles formes du maintien à domicile, Presses universitaires de Rennes, 2014.
- Luc Broussy, « L'adaptation de la société au vieillissement de sa population. France : année zéro ! » 2013.
- Voir Laurent Nowik et Alain Thalineau (dir.), op. cit.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2019-7/l-habitat-inclusif.html?item_id=5692
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