est président de la commission des finances du Sénat.
La TVA sociale a ma préférence
Pour le président UDF de la
commission des finances du Sénat, l’instauration de la TVA sociale
constitue la voie d’une juste réforme de la protection sociale en
France.
Plusieurs pistes de réforme de l’assiette de calcul des cotisations sociales ont été évoquées dernièrement : TVA sociale, augmentation de la CSG, cotisation sur la valeur ajoutée. Quelle est, selon vous, celle qui mériterait le plus d’être retenue ?
Jean Arthuis. Pour quelles raisons la France subit-elle depuis si longtemps un chômage aussi massif et une croissance aussi dérisoire ? Parce que nous sommes entrés dans une économie globale. Pour vendre moins cher, les distributeurs vont faire leurs courses à l’étranger et poussent leurs fournisseurs à délocaliser leurs activités et leurs emplois hors de France. Au surplus, grâce à la numérisation des données et au réseau internet, nombre de services sont également délocalisables. Pouvonsnous, dans ces conditions, financer plus longtemps la santé publique et la politique familiale par des cotisations concentrées sur les salaires ? Si nous maintenons ce type de prélèvement, véritable impôt sur la production, nous accélérerons la disparition des activités de production de biens et de services. Il est donc urgent de supprimer ce mode de financement et de trouver une ressource de substitution.
L’idée de taxer la valeur ajoutée ne règle rien. Puisqu’elle taxe la valeur ajoutée en France, les acteurs seront encouragés à aller produire ailleurs pour échapper à l’impôt et rester compétitifs. Le recours à un supplément de CSG règle partiellement le problème. Les coûts de production sont certes allégés, mais les consommations de biens et services ne participent en aucune façon au financement de la solidarité.
Troisième solution, la TVA sociale, c’est-àdire un supplément de TVA. C’est ce qu’ont fait les Danois en 1987, c’est ce que vont faire plus modestement les Allemands. Cette réforme a ma préférence. Elle suppose que soit également révisé le taux réduit de 5,5 %. Pour les biens et services relevant de l’économie de proximité, celle qui n’est pas soumise à la concurrence internationale, le Bâtiment, la restauration, les métiers de l’artisanat, bref, toutes ces activités dont la seule délocalisation tend à prendre la forme du marché noir, le taux devrait être porté autour de 10 à 12 %. En contrepartie, les cotisations maladie et famille, y compris sur le revenu du chef d’entreprise individuelle, seraient supprimées.
Faire payer les seuls salariés est une mesure plutôt injuste, puisque la protection sociale est destinée à l’ensemble de la population. Ne serait-il donc pas plus équitable que tout le monde la paie, comme ce serait le cas avec la TVA sociale ?
C’est en effet une mesure juste, contrairement à la réputation qui pèse sur la TVA. Il est temps de briser le tabou qui porte à ne rien faire. Avec la flexibilité du droit du travail et la suppression des 35 heures, c’est l’une des réformes attendues pour redonner de la compétitivité aux entreprises et au travail. Au fond, la TVA sociale est une mesure qui s’apparente, économiquement, à une dévaluation. Elle met un terme à l’injustice qui fait que celui qui consomme des biens ou des services importés s’exonère de toute participation au financement de la solidarité nationale, que seuls supportent ceux qui consomment des biens ou des services français. Enfin, à l’exportation, les gains de compétitivité sont évidents.
Une augmentation de la TVA ne serait-elle pas une mesure impopulaire ?
Si, bien sûr. Mais l’accumulation de mesures populaires nous mène au désastre. C’est pour cela que nous devons engager un débat lucide et courageux devant l’opinion publique. Le mensonge d’État et les gesticulations doivent cesser. Osons la pédagogie et analysons ensemble les causes de nos déboires et de la désespérance ambiante. Observons que l’économie s’est globalisée à l’échelle du monde et demandons-nous si nos lois sont encore fondées. Le si fameux « modèle social français » est à bout de souffle. Dans cette compétition, le combat démagogique entre la majorité et l’opposition enfonce le débat dans l’indigence. Nous l’avons vérifié lors de l’élection présidentielle de 2002.
Les économistes craignent un effet hausse des prix en cas de création de la TVA sociale. Qu’en pensez-vous ? L’exemple du Danemark, où ce risque inflationniste a été contenu par le jeu d’un accord préalable avec les partenaires sociaux, vous paraît-il probant ?
Le Danemark a une tradition de concertation responsable. La plupart des salariés sont syndiqués. Conscients bien avant nous de la mondialisation de l’économie, ils en ont tiré les conséquences à leur profit. Chez nous, les syndicats ne sont significativement présents que dans la fonction publique. Nos combats franco-français, nos luttes gauloises sont devenues désastreuses. Outre nos lois, nous devons faire évoluer nos mentalités, nos modes de gouvernance. Le risque d’inflation sera neutralisé par le civisme des acteurs économiques, et plus efficacement encore par la concurrence. Seuls augmenteront les prix des biens et services importés.
La TVA vous paraît-elle un outil de la nécessaire convergence européenne ?
Sans doute pas un outil, mais certainement l’un des grands thèmes d’harmonisation fiscale. La plupart des États membres de l’Union européenne sont confrontés aux mêmes problèmes de société, notamment le financement de leurs systèmes de protection sociale. C’est l’une des voies les plus prometteuses pour remettre l’Europe en marche. Cela étant dit, cette réforme ne doit pas laisser dans l’ombre l’urgente nécessité de maîtriser l’évolution de nos dépenses publiques, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou de la Sécurité sociale, et d’équilibrer nos budgets.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2006-6/la-tva-sociale-a-ma-preference.html?item_id=2700
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