Directeur général du métier Infrastructures de traitement et directeur des ressources humaines du groupe Suez.
Un composé simple devenu un produit de haute technologie
Les besoins en eau des villes et des industries vont continuer de croître de façon exponentielle. Ce développement et la raréfaction de la ressource en eau douce nous obligent à nous tourner vers de nouvelles solutions et à concevoir de nouvelles filières de traitement pour préserver les ressources naturelles et assurer un accès durable à l'eau partout dans le monde.
Il fut un temps où nous nous contentions de récupérer
une eau claire au puits ou à la rivière
pour nos besoins alimentaires et nos activités
quotidiennes. Pendant longtemps nous avons
consommé l’eau naturelle sans traitement, car
exempte de composés susceptibles d’en détériorer
la qualité sanitaire. Aujourd’hui, avec les développements
économique et industriel, nous inventons
continuellement de nouveaux composés pour des
besoins sans cesse grandissants. L’évolution de nos
modes de consommation engendre l’apparition de
nouveaux produits dans nos eaux résiduaires et dans
les eaux naturelles. Produits industriels, chimiques
ou cosmétiques, médicaments, détergents, pesticides
ou fongicides… Dans leur forme initiale ou en sousproduits,
ces polluants émergents rendent les eaux
de plus en plus complexes à analyser et à traiter.
La nature et la variété de ces produits nécessitent
des traitements encore plus poussés qui font appel
à des technologies toujours plus pointues. Parallèlement,
la société est davantage attentive à sa santé,
à son environnement et aux impacts possibles sur le
long terme : nous devons prévenir les risques. Les
contraintes sanitaires et législatives, motivées par
les progrès des études épidémiologiques et toxicologiques,
et la nécessité de préserver la ressource
conduisent aussi à une plus grande complexité de
traitement pour assainir les eaux usées et garantir
la qualité des eaux potables.
Les fabricants de ces produits ne savent pas toujours
analyser les quantités infinitésimales mais
néanmoins polluantes de leurs produits que l’on
retrouve dans les eaux. Pour faire face à l’apparition
de ces centaines de micropolluants susceptibles
d’avoir des effets potentiels chroniques directs ou
indirects sur les écosystèmes, il est indispensable
de les détecter, de les identifier et de les quantifier.
Grâce aux technologies, là aussi de pointe, que
nous avons développées, nous sommes capables
aujourd’hui de déterminer très finement la composition
des eaux les plus complexes.
Des usines-ressource
économes et efficaces
Les moyens, tant humains que financiers, investis
par Suez en recherche et développement pour proposer
les avancées analytiques et des performances
de traitement qui permettront une gestion sur le
long terme des risques sanitaires et environnementaux
liés à la complexité des eaux sont importants.
Ces travaux sont réalisés pour partie avec des partenaires,
nos fournisseurs de technologies (y compris
les start-up), des universitaires… et nos clients,
pour être au plus près des préoccupations de ces
derniers et leur proposer des solutions innovantes
qui répondent à leurs besoins.
Les progrès recherchés visent à augmenter la fiabilité
du traitement et ses performances dans des
domaines très variés comme :
- la mise au point de solutions de traitement sur
mesure pour les composés complexes (les mécanismes
d’élimination dépendent des caractéristiques
physico-chimiques de chaque composé
présent dans l’eau) ;
- la réutilisation des eaux usées traitées pour différents
usages ;
- l’amélioration du confort des consommateurs
(décarbonatation, diminution des traitements au
chlore) ;
- la diminution et la valorisation des sous-produits
de traitement (exemple du biogaz issu de la digestion
des boues d’épuration que l’on valorise en
biocarburant ou en biométhane injecté dans les
réseaux urbains) ;
- l’augmentation de l’efficacité énergétique (optimisation
de l’ingénierie, de l’exploitation et de la
maintenance, récupération d’énergie) ;
- la diminution de l’empreinte carbone (diminution
de la consommation des énergies fossiles au profit
des énergies renouvelables, diminution de la
consommation des réactifs) ;
- la diminution des coûts de traitement (exemple du
dessalement, pour lequel les coûts ont été divisés
par deux en l’espace de dix ans) ;
- la diminution des pollutions odorantes ou du bruit ;
- l’intégration environnementale (stations compactes
et/ou complètement intégrées).
Suez porte également ses efforts sur le contrôle de
la chaîne de traitement et de distribution par des
systèmes d’information intégrés et « intelligents »
(smart) qui optimisent la gestion de l’eau dans son
ensemble. Il faut en effet créer et adapter intelligemment
les technologies pour proposer les meilleures
solutions techniques, commerciales, logistiques et
financières qui répondent aux vrais enjeux locaux.
Des solutions spécifiques
Respectueuse de l’environnement et de la ressource
en eau, la réutilisation des eaux usées (Reuse) s’impose
de plus en plus comme une évidence dans
les politiques de développement durable des pays
souffrant de stress hydrique. Le recyclage des eaux
usées permet d’atteindre un double objectif d’économie
et de protection de la ressource en eau : en
amont, c’est une ressource alternative, en aval, il
diminue le volume des rejets d’eaux usées dans
l’environnement.
Le Reuse nécessite un savoir-faire technologique
spécifique, alliant des traitements classiques (décantation,
boues activées…) à des traitements avancés,
comme la combinaison oxydation-adsorption
ou encore l’ultrafiltration ou l’osmose inverse, associés
à des méthodes de désinfection poussée comme
le traitement par ultraviolets. Le développement de
ces procédés permet de mettre à disposition une eau
traitée dont la qualité rend possible sa réutilisation
à des fins agricoles (irrigation), industrielles (eau
de process, nettoyage d’équipements…), urbaines
(arrosage de parcs, nettoyage des rues, recharge des
nappes…). Le Reuse réduit les prélèvements directs
dans la ressource en réservant la production d’eau
potable à la consommation humaine.
Dans ce domaine aussi, Suez accentue ses efforts de
recherche et développement pour créer des filières
adaptées à chaque utilisation finale de l’eau usée
traitée. Le groupe travaille par exemple en France
sur le concept d’un bâtiment autonome avec uniquement
l’eau de pluie comme ressource extérieure
pour répondre aux besoins en eau de ses habitants.
L’eau de pluie sera potabilisée pour les usages de
cuisine et de lavabo, puis recyclée plusieurs fois
pour d’autres usages grâce à des technologies matures,
comme l’ultrafiltration et le traitement par
ultraviolets, qui seront adaptées à ce concept. Nous
sommes convaincus qu’il est possible de créer des solutions concrètes pour faire face aux évolutions
sociétales et aux changements de nos modes de vie
tout en respectant l’aspect sanitaire et les engagements
environnementaux planétaires.
Des alternatives durables
Les eaux salées (eau de mer et eau saumâtre) représentent
97 % du volume total de l’eau présente sur
notre planète. C’est un réservoir naturel gigantesque
encore inexploité, comparé aux seulement 3 % d’eau
douce traitée pour produire de l’eau potable. Aujourd’hui,
2,4 milliards d’habitants pourraient être
approvisionnés en eau potable grâce à la technique
du dessalement.
Le dessalement par osmose inverse est une technologie
qui a connu de grandes avancées au cours
des dernières décennies. C’est une application industrielle
fiable qui apporte des réponses à grande
échelle aux besoins en eau potable. Pour s’adapter
aux besoins à venir et poursuivre l’optimisation
des systèmes existants, Suez se concentre sur les
technologies de demain : osmose directe, distillation
membranaire, nouvelles membranes, nouvelle
ingénierie des membranes, sans oublier les sources
d’énergies alternatives.
Pour contribuer à la croissance durable des villes disposant
d’une ressource d’eau salée, Suez a conçu et
construit aux Émirats arabes unis un pilote de dessalement
à la pointe de l’efficacité énergétique et offrant
une meilleure productivité, dont il exploite et étudie
les résultats. La mise en oeuvre de nouvelles technologies
pour traiter la saumure permettra de produire
plus d’eau potable avec presque la même consommation
d’énergie. Les économies d’énergie sont réalisées
par le biais de l’utilisation de technologies et
d’équipements plus performants et moins énergivores
(prétraitement plus efficace et moins consommateur
d’énergie, conception et membranes d’osmose inverse
innovantes). L’objectif est de diminuer de 20 à 25 %
la consommation d’énergie par rapport à une usine
de dessalement classique. Ce pilote consomme aujourd’hui
moins de 3,6 kWh/m3, contre 4 à 4,2 kWh/m3
pour une usine classique à salinité comparable. En parallèle,
Suez, Engie, la ville de Masdar City et le Masdar
Institute of Science and Technology ont monté en partenariat
un programme qui étudie la viabilité économique
d’une usine de dessalement alimentée jusqu’à
100 % par un apport direct en énergie solaire.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2016-3/un-compose-simple-devenu-un-produit-de-haute-technologie.html?item_id=3523
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