Franck RIESTER

Ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité

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Introduction

Bien avant que la pandémie ne dérègle l’ordre économique international, le monde, sur fond de regain de tensions géopolitiques, était d’ores et déjà en passe de devenir plus brutal et plus conflictuel. Les États-Unis et la Chine se livraient depuis de longs mois une guerre commerciale particulièrement déstabilisatrice pour les échanges mondiaux. Au sujet de l’affaire Airbus-Boeing et du contentieux qui oppose les États-Unis à l’Union européenne, dans le cadre de l’OMC, l’administration Trump choisissait la surenchère tarifaire unilatérale plutôt qu’une solution négociée.

Face à la crise sanitaire et économique inédite à laquelle le monde entier est confronté, ces tensions se sont encore exacerbées. Des tendances protectionnistes se sont fait jour chez certains de nos partenaires, qui ont mis en place des restrictions aux échanges allant manifestement au-delà de ce qui était nécessaire pour lutter contre l’épidémie – sur les produits agricoles par exemple. Le risque de « guerre économique », aiguisé par la pandémie, est d’autant plus grand que l’OMC, arbitre des litiges commerciaux qui opposent régulièrement les États, ne parvient plus à remplir son rôle. Imputable au désengagement de certains de ses membres, la paralysie qui affecte l’Organisation bloque les négociations et entrave le fonctionnement de son organe de règlement des différends. C’est un défi que nous devons relever afin d’assurer la stabilité de l’économie mondiale, car l’impuissance du droit fait le lit des guerres.

C’est la raison pour laquelle la France, avec ses partenaires européens, s’engage pour moderniser le multilatéralisme. Pour réformer l’OMC. Pour promouvoir un ordre commercial mondial plus efficace, plus équitable, plus durable, à même d’écarter durablement les risques d’escalade unilatérale. Mais nous devons aussi, nous Européens, nous réarmer face aux comportements non coopératifs, parfois coercitifs, de nos partenaires. C’est le sens des priorités que défend la France dans le cadre de la révision de la stratégie de politique commerciale européenne. Nous voulons que l’Union étoffe son arsenal de lutte contre les pratiques déloyales, contre les mesures à portée extra-territoriales d’États tiers. L’Union européenne en a fini avec la naïveté. Sous l’impulsion de la France, elle s’est dotée d’un « procureur commercial », chargé de veiller à ce que nos partenaires respectent les engagements pris dans les accords conclus avec nous. Elle a fait preuve de fermeté, en répliquant aux sanctions commerciales américaines par ses propres surtaxes dans le cadre autorisé par l’OMC.

Il ne s’agit pas de prétendre que les États ne devraient pas défendre leurs propres intérêts, ou de nier la réalité des rapports de force. Mais plutôt de s’assurer que la compétition économique internationale s’inscrit pleinement dans des règles respectées de tous. Et lorsque ces règles ne sont pas respectées, nous ne devons pas hésiter à faire preuve de fermeté afin de faire valoir nos droits et de préserver nos intérêts.

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