Charles DE COURSON

Député (Groupe UDI, Agir et Indépendants) de la Marne, vice-président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

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Instituer l'équité fiscale

La question n'est pas de savoir s'il faut plus taxer ou non l'immobilier. Il l'est déjà suffisamment selon le rapport du Conseil des prélèvement obligatoires du 25 janvier 2018 : sur les 80 milliards de prélèvements obligatoires pesant sur le capital des ménages, 50 milliards, soit les deux tiers, portent sur l'immobilier.

Il faut une neutralité fiscale entre les différentes formes d'épargne. Or aujourd'hui, il existe plusieurs mesures fiscales discriminatoires qui pèsent sur l'immobilier. Sur la taxation de l'immobilier, je suis donc en faveur d'une équité fiscale entre le patrimoine mobilier et immobilier, pour faciliter l'accession à la propriété, mieux encadrer les revenus des plates-formes de location et réformer la fiscalité locale.

L'immobilier nécessite une stratégie globale et cohérente. Or, des mesures fiscales importantes concernant l'immobilier ont été prises dans le cadre de la loi de finances pour 2018 sans concertation avec les parties prenantes et avant l'examen du projet de loi sur le logement attendu en 2018.

Ainsi le prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou « flat tax », aurait dû couvrir les revenus issus de l'immobilier résidentiel et de l'immobilier d'entreprise, mais la version retenue ne comprend pas les revenus issus de l'immobilier. L'ISF a été supprimé et remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il y a là un problème de vision sur ce qu'est l'immobilier. Ce n'est pas une « rente » comme on a voulu nous le faire croire. C'est au contraire un secteur productif qui crée des emplois (1 427 000 emplois en 2016 pour le seul secteur du bâtiment 1), c'est aussi une charge pour les ménages qui doivent investir pour entretenir leur patrimoine.

Après avoir supprimé l'ISF, il conviendrait donc de supprimer l'IFI !

En matière d'immobilier, cette loi de finances pour 2018 a maintenu le dispositif Pinel jusqu'au 31 décembre 2019 2. C'est une bonne mesure qui donne de la visibilité aux acteurs économique, elle peut être soulignée. Enfin, sur le sujet de la taxation des plus-values, il faudrait égaliser les durées de détention pour les abattements à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. C'est une différence qui ne se justifie pas.

Il faut maintenir le système incitatif actuel. En effet, l'accession à la propriété a représenté 70 % des opérations immobilières résidentielles en France en 2016 (neuf et ancien), soit près de 800 000 transactions sur un total de 1 125 000 opérations . C'est un système qui fonctionne.

Cette accession à la propriété est favorisée par l'absence de loyer fictif imposable qui doit être maintenue, tout comme l'abattement de 30 % sur la résidence principale de l'IFI.

Les plates-formes de locations immobilières de courte durée (comme Airbnb) ont représenté des sources de revenus non négligeables pour nombre de propriétaires, tout en suscitant la crainte des professionnels de l'hôtellerie. Ces plates-formes doivent être encadrées et respecter des règles de transparence, pour éviter des abus. Il faudrait mettre en place un système avantageux avec un seuil d'exonération incitatif pour les revenus issus de ces locations.

Réformer la fiscalité locale

Aujourd'hui, la fiscalité locale repose principalement sur l'immobilier des ménages et des entreprises via la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises. Avec l'annonce par le gouvernement de la suppression totale de la taxe d'habitation pour 2020, le risque est grand de voir les collectivités augmenter leurs taux pour compenser cette perte de contrôle d'une partie de leurs ressources.

Aussi, il serait pertinent, dans le cadre de la réforme globale de la fiscalité locale annoncée, de réfléchir à l'attribution à certaines collectivités d'une part de la fiscalité nationale, afin d'alléger la fiscalité qui pèse sur l'immobilier, notamment la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

Cette taxe est calculée sur la même base que la taxe foncière sur les propriétés bâties, c'est-à-dire sur la moitié de la valeur locative cadastrale. Ce n'est donc pas le volume d'ordures ménagères collectées qui en conditionne le montant. Or, dans une démarche de réduction de la production de déchets, il faudrait envisager de rendre progressivement obligatoire une TEOM incitative, afin de tenir compte des efforts des citoyens.

http://www.constructif.fr/bibliotheque/2018-3/instituer-l-equite-fiscale.html?item_id=3637
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