Nathalie BLUM

Directrice générale du Don en confiance.

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La transparence dans l'appel à la générosité du public

Les organismes, associations et fondations faisant appel à la générosité du public reposent sur la confiance. Divers scandales ont ébranlé ce capital essentiel. Il a fallu innover, avec de nouvelles obligations et régulations, ainsi qu'un label, pour assurer la transparence nécessaire de l'utilisation des dons.

Le paramètre essentiel du fonctionnement des sociétés est la confiance, une confiance qui ne se décrète pas. Même si l'accroissement des régulations mises en place par les pouvoirs publics depuis quelques années est là pour rassurer, il revient à chaque acteur dans son domaine d'intervention de donner des gages d'exemplarité en termes éthiques et de recourir à un fonctionnement le plus transparent possible.

Le domaine associatif est évidemment concerné par ce mouvement vers plus d'éthique et de transparence, particulièrement les associations et fondations faisant appel à la générosité du public. Pour ces dernières, l'« actif » le plus important est le capital confiance des généreux donateurs.

La transparence, un des piliers de la confiance des donateurs

La transparence est un pilier incontournable de la confiance, parce que l'opacité suscite le doute, mais aussi parce que s'exposer au regard du public oblige à se réinterroger sur son organisation et à modifier les pratiques difficiles à assumer, prévenant ainsi les dérives.

Dans le monde associatif, cette notion de confiance est d'autant plus importante que les causes soutenues touchent au coeur les donateurs et qu'ils n'auront jamais de retour sur investissement, si ce n'est de savoir que l'argent qu'ils donnent va bien à la cause qu'ils souhaitent soutenir.

Il y a trente ans, le secteur associatif était confronté à une crise de confiance sans précédent. Plusieurs scandales de détournements de fonds avaient émoussé la crédibilité du secteur, avec un impact direct sur les dons. C'est à ce moment-là que le secteur associatif s'est profondément réformé pour répondre aux exigences, à la colère légitime et aux questionnements des donateurs sur la destination des dons.

Une régulation au service de la transparence

La transparence du monde associatif faisant appel à la générosité du public a été concrétisée, d'une part, par l'action des pouvoirs publics et, d'autre part, par les associations et fondations elles-mêmes. Alors que les premiers ont établi un cadre législatif permettant des contrôles publics, les secondes créaient un organe de régulation avec un contrôle reposant sur des règles déontologiques plus larges que ne le préconisait l'État, basé sur une démarche volontaire des organisations qui choisissaient de s'y soumettre. Ainsi naissait, en 1989, sous l'égide de François Bloch-Lainé, le Don en confiance.

Avec la loi du 7 août 1991, qui permit pour la première fois le contrôle de fonds privés par les pouvoirs publics, le gouvernement a considérablement renforcé les outils législatifs et judiciaires pour s'assurer de la bonne gestion des dons par les associations. Depuis, la Cour des comptes et l'Inspection générale des affaires sociales exercent chaque année des contrôles portant sur la bonne utilisation des dons par des associations ou fondations qui sollicitent les donateurs.

Parallèlement, le secteur associatif a été le véritable moteur de son encadrement. Dans le contexte d'une véritable prise de conscience, dans la société française, des enjeux et de l'importance économique du secteur associatif et de l'empreinte indélébile laissée par les agissements de quelques-uns, il était indispensable de distinguer les associations et fondations utilisant les dons avec rigueur et professionnalisme. Pour renforcer et développer le lien de confiance avec les donateurs, ces dernières ont créé une dynamique volontaire pour assurer la transparence du fonctionnement de leurs structures, concrétisée par un label indépendant.

Si la confiance est indispensable aux donateurs personnes physiques, elle est tout aussi fondamentale dans le cadre du mécénat d'entreprise. Dans ce cas, les structures donatrices sont d'autant plus vigilantes sur la destination du don qu'elles craignent la (mauvaise) publicité qu'une gestion peu rigoureuse par les bénéficiaires de l'argent donné entraînerait. Si le don est toujours un acte sentimental et empathique - nous donnons à une cause qui nous est chère -, dans le cadre du mécénat elle peut être aussi stratégique et financière. Au-delà de la logique de défiscalisation (les dons sont déductibles des impôts sur les sociétés à hauteur de 60 %), le mécénat peut aussi s'inscrire dans la politique RSE des entreprises mécènes, qui y trouvent alors un moyen de mobiliser leurs salariés autour d'un engagement commun. Elles ont, pour ce faire, besoin de contrôles pour garantir que les actions qu'elles financent servent effectivement les causes qu'elles soutiennent. Mais, la plupart du temps, elles ne sont pas en mesure d'assurer elles-mêmes ces contrôles coûteux et chronophages. Le mécénat d'entreprise a besoin, au moins autant que les donateurs individus, de ces tiers de confiance que constituent les labels et les organismes de contrôle publics et privés.

La transparence, un des quatre principes fondamentaux du Don en confiance

Se fondant sur une charte de déontologie 1, le Don en confiance exerce la mission de contrôle de l'appel à la générosité du public basé sur des principes de transparence, de recherche d'efficacité, de probité et de désintéressement, et de respect des donateurs, personnes physiques ou morales. Le respect de la charte détermine l'octroi du label « Don en confiance » aux associations et fondations qui en font la demande. Une centaine d'experts du Don en confiance exercent un contrôle continu et indépendant des engagements souscrits pour assurer le maintien ou le retrait du label. Les organisations labellisées « Don en confiance » représentent un budget global de 5 milliards d'euros, dont 1,5 milliard d'euros issus de fonds privés.

Le principe de transparence est transversal à l'ensemble des exigences du Don en confiance. Ce principe est ainsi décrit dans la charte de déontologie : « L'organisation fait connaître ce qu'elle est, ce qu'elle fait, comment elle intervient, quelle est sa situation, notamment financière, et ce en veillant à ne jamais donner une image tronquée de la réalité, y compris lorsqu'elle traverse des difficultés affectant ses moyens ou ses activités. »

Cette transparence se concrétise plus directement via plusieurs règles spécifiques. Par exemple, les organisations labellisées « Don en confiance » doivent communiquer sur leur gouvernance. Elles doivent aussi mettre à disposition de toute personne qui en fait la demande différents documents ,tels que les statuts, le rapport d'activité, etc. Certaines exigences, comme celles portant sur la communication financière, sont devenues, au-delà des seules organisations labellisées, une référence pour le secteur de l'appel à la générosité. D'autres sujets plus sensibles, comme celui de la rémunération des dirigeants, font également l'objet d'un certain nombre d'exigences du Don en confiance.

La transparence, source de progrès pour le secteur de l'appel à la générosité

La transparence oblige à établir des règles claires et à le faire savoir. Mettre sous l'oeil du public sa gouvernance, les réalisations de l'année ou des principes internes amène à les regarder sous un angle différent : sont-ils clairs ? Sont-ils conformes aux valeurs portées par l'organisation ? L'organisation est-elle à l'aise pour faire connaître les principes qui la guident, ses réalisations ? Ces questionnements sont en eux-mêmes porteurs de progrès.

Les associations et fondations qui font appel à la générosité des personnes physiques comme des personnes morales, qu'il s'agisse de dons, de mécénat, de legs, leur sont redevables et doivent les informer des actions qu'elles mènent grâce à leur soutien. À travers cette communication, elles bâtissent la confiance et resserrent le lien qui les unit à leurs donateurs. Elles remplissent une obligation de base qui est de rendre compte de l'utilisation des fonds. Elles préparent également l'avenir en fidélisant les donateurs. Pour atteindre ces objectifs, la communication financière doit évidemment être fiable, mais aussi claire et compréhensible, adaptée à son public, comprenant les informations essentielles sans être noyée au milieu d'informations diverses. Les éléments de cette communication financière doivent également être aisément accessibles à toutes celles et tous ceux qui souhaitent s'informer.

La loi prévoit que toute association ou fondation recevant plus de 153 000 euros de dons et/ou de subventions publiques doit publier ses comptes certifiés par un commissaire aux comptes au Journal officiel. En outre, si elles font appel à la générosité du public, elles doivent établir un compte d'emploi des ressources dès lors que le montant des dons excède un certain seuil, fixé par décret. Cependant, ces documents sont peu faciles d'accès pour un non-initié.

Aussi, le Don en confiance a inclus dans ses exigences déontologiques l'obligation d'élaborer un document d'information dédié à l'information du donateur, appelé « l'Essentiel », que publient toutes les organisations labellisées « Don en confiance ». Ce document, qu'elles doivent adresser à tous leurs donateurs et qui est accessible sur leur site Internet, est une référence pour le secteur.

L'Essentiel est un document d'information simplifié qui donne annuellement une information claire et synthétique sur l'organisation, ce qu'elle est, ce qu'elle a fait, sur les fonds qu'elle a reçus et sur leur utilisation. En particulier, l'Essentiel doit rendre compte de façon transparente aux donateurs et au public des ressources provenant de la générosité reçues par l'organisation et de ce qu'elle en a fait.

Au-delà d'une simple communication sur les comptes, l'Essentiel doit comporter au minimum les éléments d'information suivants : la présentation de l'organisation, son modèle socio-économique, les principaux chiffres commentés du compte d'emploi des ressources, les principales réalisations de l'année, le bilan simplifié, la politique de réserve.

Cette explication pour le donateur va plus loin. En effet, les organisations concernées doivent présenter la description des liens financiers, économiques ou opérationnels avec les entités partenaires ou associées en France ou à l'étranger. Enfin, les organisations qui font partie d'un réseau doté d'une entité internationale, au travers de laquelle sont exercées tout ou partie des missions sociales, doivent faire mention de la quote-part des emplois dont elles conservent la maîtrise directe et des emplois transférés à ladite entité.

L'élaboration de l'Essentiel, sous le regard du contrôleur du Don en confiance, permet à l'association ou à la fondation labellisée de réaliser une communication financière de qualité. Si seules les organisations labellisées peuvent apposer le label « Don en confiance » sur leur Essentiel, toute organisation peut établir un Essentiel en suivant ces principes et le mettre à disposition du public et/ou l'envoyer à tous ses donateurs.

Les bonnes pratiques de transparence sur la rémunération

Si la transparence est un ressort puissant de la confiance, elle ne doit pas s'opposer à la confidentialité. Les associations, tout comme l'État ou les entreprises, doivent conserver une confidentialité indispensable au fonctionnement de leurs structures, à la détermination de leurs orientations stratégiques, à la protection de leurs bénéficiaires, au respect de leurs donateurs, de leurs salariés, de leurs bénévoles. Il faut trouver la juste mesure entre ce que l'on communique et ce qui demeure en interne.

Le sujet de la rémunération est toujours délicat, avec une dimension propre au secteur associatif faisant appel aux dons. Quelle organisation faisant appel à la générosité n'a jamais été interpellée sur le thème : « je donne pour la cause, et non pour payer des salariés » ? Pourtant, les rémunérations dans le secteur associatif sont en général inférieures à celles du secteur privé lucratif. Et, double peine, certains considèrent qu'un moindre salaire signifie une moindre expertise. Il existe pourtant la passerelle quasi à sens unique qu'empruntent des salariés issus du secteur privé lucratif vers le secteur associatif, qui apportent eux aussi des compétences, remplissent des fonctions, exercent des responsabilités.

Sous certaines conditions, la loi prévoit l'obligation de publier les salaires des trois plus hauts cadres dirigeants salariés. La redevabilité envers le donateur ne peut conduire à réclamer le libre accès à l'ensemble des salaires. Ce serait méconnaître les réalités sociales des organisations qui sont aussi des employeurs. Pour le Don en confiance, l'information adéquate consiste à porter à la connaissance du public la politique de rémunération de l'organisation, les principes qui la guident, ainsi que l'organe de gouvernance chargé de la déterminer.

Et demain, quels outils au service de la transparence ?

Le baromètre du Don en confiance le montre de façon constante depuis dix ans : la transparence est une demande récurrente du public, et notamment des jeunes, qui, de façon significative, ont plus confiance que leurs aînés dans les organisations faisant appel aux dons. Avec les nouvelles technologies, les possibilités d'information et, en corollaire, les attentes des donateurs évoluent vite : demain, peut-être, l'utilisation de la blockchain comme garantie de transparence ?

  1. Disponible sur www.donenconfiance.org, comme l'ensemble des documents cités dans cet article.
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2018-11/la-transparence-dans-l-appel-a-la-generosite-du-public.html?item_id=3672
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